• Un livre de Bruno Hongre 

    Je ne peux que vous recommander l’ouvrage de Bruno Hongre, Le dictionnaire portatif du bachelier (Hatier, 2002) qui recense plus de 2000 mots dont le sens devrait être connu avant d’aborder l’enseignement supérieur. Mes étudiants doivent d’ailleurs se le procurer au début de la rentrée scolaire. Voici, parmi d’autres, une méthode ludique et stimulante qu permet la découverte de ces mots indispensables. L’exercice peut aussi se réaliser en famille ou entre amis.



    1) Les élèves d’une classe sont partagés en deux équipes qui se placent en vis-à-vis. Un membre de chaque équipe est désigné à tour de rôle pour comptabiliser les points des deux équipes.

    2) Le professeur prononce un mot, extrait du Dictionnaire portatif du bachelier, sans l’orthographier.

    3) Le premier élève qui croit connaître le sens du mot lève la main et doit parler (si deux mains se lèvent en même temps, les deux élèves doivent prendre la parole) :
    - un mot correctement défini : 2 points
    - un mot dont le sens est saisi, mais incorrectement défini : 1 point
    - un mot dont le sens est incorrect : - 1 point

    4) Si le premier élève a donné un sens incorrect, c’est un élève de l’équipe adverse qui a le droit de lever la main.

    5) Si personne ne trouve de réponse, le professeur donne le mot dans une phrase.

    6) Si personne ne trouve de réponse, le professeur dit : « livre ». Dans ce dernier cas, le responsable-livre, qui a été mandaté dans chaque équipe, a le droit de chercher le mot dans le livre et ce sans connaître l’orthographe . Le premier responsable-livre (il est le premier à commencer à lire la signification du mot) qui donne le sens correct du mot en fonction du contexte de la phrase, reçoit un demi point pour son équipe.

    7) Le responsable-livre a le droit de donner des réponses comme tous les autres élèves.

    8) Il peut être décidé que la signification des mots cités par le professeur doit être connue pour un contrôle et/ou l’examen. Les élèves doivent alors noter ces mots dans le classeur. Ensuite ils consulteront chez eux leur Dictionnaire portatif et créeront, toujours à domicile, une phrase dans laquelle ils injecteront le mot en question (cette phrase doit les aider à comprendre le sens du mot).


  • (c) De Boeck, 2000

    À l’heure où nous sommes envahis par la technologie de l’Internet, il serait bon de nous demander si les bibliothèques ont toujours leur importance. Christine De Craecker va nous montrer, dans un article très intéressant, que les bibliothèques restent indispensables sur le plan de l’acquisition des connaissances. Il existe même dix bonnes raisons de maintenir les bibliothèques malgré l’apport du savoir transmis par Internet !
    Je remercie André Joveneau (a.joveneau@mrw.wallonie.be), directeur de la rédaction de la revue Athena, Marie-Claude Soupart (mc.soupart@mrw.wallonie.be), assistante de rédaction de la même revue et Christiane De Craecker-Dussart (c.decraecker@skynet.be), auteur de l’article, de m’avoir autorisé à vous offrir cet article qui offre un grand intérêt.

    A) INTRODUCTION


    « Les bibliothèques sont au centre de la société de l’information.» Ce message de la Fédération internationale des bibliothèques, au Sommet mondial à Genève fin 2003, a été relayé par l’Unesco (1). Et pourtant, que de fois n’entend-on pas : « Depuis qu’il y a Internet, les bibliothèques ne sont plus nécessaires ! ». Une telle sentence n’est plus rare, a de quoi surprendre et inquiéter, surtout quand elle est prononcée par des directeurs ou des décideurs. Aujourd’hui, chacun a mille manières de s’informer, qui ne dépendent plus nécessairement du papier. De nouveaux supports sont apparus. Les centres de documentation perdent apparemment la possibilité d’occuper une place prééminente dans la diffusion du savoir. Et c’est un paradoxe : le rôle du centre de documentation est contesté au moment où il dispose de tous les moyens de devenir performant. Question : « Comment dès lors faire en sorte que les bibliothèques et/ou les centres d’information et de documentation jouissent d’une solide justification vis-à-vis des directions, des autorités et du public ? »

    Malheureusement, le centre de documentation pâtit de certaines réputations injustifiées, mais qui lui sont néfastes. Il est un de ces secteurs où le retour sur investissement n’est pas mesurable en termes directement économiques. Aussi, quand il est question de restructurations, de restrictions budgétaires, de suppression de postes, la tentation est forte de le supprimer en premier lieu. D’autre part, la fonction de documentaliste est perçue comme facile à exercer. Des employés précaires y sont « casés », non formés aux techniques documentaires.

    Dans l’environnement du document, l’informatique intervient de plus en plus : catalogage, indexation, recherche automatisée. Le rôle et les activités visibles du documentaliste sont davantage pris en charge par la machine. L’apparition du Web a une conséquence directe : certains « se sentent » capables d’accomplir un service traditionnellement assuré par un professionnel. Le lecteur croit disposer chez lui d’une gigantesque bibliothèque. Mais on entend aussi souvent dire : « J’ai perdu mon temps sur Internet à la recherche d’informations ». Ce n’est donc pas si simple (2). Voilà un deuxième paradoxe : Internet est conçu pour les gens pressés, mais l’exploiter efficacement nécessite du temps !

    Il faut admettre qu’Internet transforme la pratique professionnelle des spécialistes de la documentation, qu’il oblige ces derniers à repenser leur mission entre les sources d’informations de plus en plus abondantes et les demandeurs d’informations de plus en plus autonomes. L’Internet n’entraîne pas une crise de la demande, bien au contraire : jamais le besoin d’informations n’a semblé aussi grand, jamais autant d’informations n’ont été disponibles. Un autre changement, c’est la qualité des demandes : plus sophistiquées et plus compliquées (les questions simples sont résolues directement par l’utilisateur), d’autant plus que la bonne information n’a jamais été perçue comme aussi essentielle.

    Nous parlons ici aussi bien des centres de documentation que des bibliothèques. Une bibliothèque dispose d’un fonds documentaire et le (ou la) bibliothécaire travaille à partir de ce qu’il peut offrir : il a l’ouvrage demandé ou non. Le ou la documentaliste travaille à partir d’une demande: trouver une information précise et/ou un document déterminé, peu importe comment et où. Il accède à des bases de données, cherche l’information ou le document demandé auprès d’autres centres, de bibliothèques, de collègues, d’organismes divers.

    Mais rares sont les centres de documentation, même tout à fait modernes, sans un fonds documentaire papier. Pour des raisons de commodité, le documentaliste dispose d’ouvrages de base auxquels il recourt sans arrêt, la plupart du temps. De même, les bibliothécaires recourent aux documents et aux diverses ressources électroniques existants. Les deux fonctions s’interpénètrent. D’ailleurs, en anglais librarian signifie autant bibliothécaire que documentaliste (3).


    B) LES BIBLIOTHÈQUES TRADITIONNELLES : LEUR UTILITÉ

    Voici dix raisons de maintenir les bibliothèques à l'heure de la société de la connaissance et du savoir.

    • Tout n'est pas dans Internet.
    • Chercher dans Internet, c’est comme chercher une aiguille dans une botte de foin.
    • On trouve de tout sur Internet, le pire et le meilleur, l’actualisé et l’obsolète.
    • Les sites offrant le plein texte sont rares.
    • Le livre électronique (e-book) n’a pas réussi sa percée.
    • Lire un ouvrage sur écran est plus rébarbatif, moins ergonomique et peu pratique.
    • Une bibliothèque virtuelle ne remplace pas une bibliothèque traditionnelle.
    • La numérisation des documents coûte très cher.
    • Les documents disponibles sur le réseau n’ont pas plus de 10-15 ans.
    • Le Web ne peut remplacer les services d’un centre de documentation.

    ( Mark Y. Herring, 10 reasons why the Internet is no substitute for a library, American Libraries, avril 2001, pp. 76-78.)


    1) Plus besoin de bibliothèque, puisqu’il y a Internet ?

    C’est inexact, ne fût-ce qu’au vu des lacunes d’Internet. Quantité de documents sont numérisés et mis en ligne. Des textes jusqu’à présent quasi inaccessibles (anciens, rares, épuisés) peuvent désormais être consultés chez soi. De là à penser que «tout est sur Internet», il n’y a qu’un pas que beaucoup ont franchi trop vite. Il serait plus correct de dire: « On peut trouver de tout sur Internet, mais on ne peut pas y trouver tout » (4).

    Combien de livres sont-ils numérisés ? Des dizaines de milliers sans doute, mais sur combien de millions existants ? Combien de journaux sont-ils accessibles en ligne ? Mark. Y. Herring citait le chiffre de 8% en avril 2001. Au fil des années, on peut espérer plus de livres, plus de journaux et de revues sur la toile. Mais c’est sans compter avec les problèmes de droits d’auteur, le prix de la numérisation, la lourdeur des textes à charger, les problèmes techniques. De plus, tout le monde ne dispose pas du matériel nécessaire.

    L’imprimé subsiste donc. Les nouveaux médias, Internet, CD-Rom, etc. n’ont pas encore totalement bouleversé les tendances profondes : aucun « média papier » n’a encore été réellement malmené depuis les CD-Rom et Internet, même pas les encyclopédies, contrairement à ce qui a été avancé. Des éditeurs proposent à nouveau une édition papier (voir plus loin). Croire que le réseau peut tout livrer à domicile est donc une erreur. Avoir un titre de livre ou d’article (ce qui est effectivement facile à obtenir), n’est pas encore le livre ou l’article; connaître l’existence d’un document et savoir le localiser ne signifient pas l’avoir consulté.


    2) Chercher dans Internet revient à chercher une aiguille dans une botte de foin.

    Plus besoin de bibliothèque puisque Internet permet de trouver facilement tout sur un sujet donné ? C’est un leurre ! Si un bibliothécaire dit à un lecteur: « Voici 10 articles répondant à votre recherche. Nous en avons 40 autres, mais nous ne vous les laisserons pas les consulter maintenant » ! Que dira-t-il ? Et pourtant, c’est à peu près le reflet de la réalité. Internet est une gigantesque librairie non rangée, un énorme entrepôt où chacun est libre de faire son « marché d’informations numériques ».

    Internet existe et est exploité mais l’usager est souvent mécontent ou insatisfait. Pourquoi ? Des problèmes de connexion, de maintenance, de surcharge ou de virus rendent des sites inaccessibles à un moment ou à un autre. Le réseau est mouvant, en évolution constante : les données changent ou ses conditions d’accès sont modifiées ou, plus radicalement encore, un site accessible aujourd’hui ne sera peut-être plus là demain !

    Les recherches sont difficiles à mener. Elles aboutissent souvent à un nombre — trop — élevé de réponses dont la plupart ne sont même pas pertinentes. Le « bruit de fond » (ensemble de réponses complètement inutiles) est trop important, exactement comme dans les années 70-80 avec les coûteuses banques de données en ligne. Pour ne rien simplifier, les moteurs de recherche ont chacun leurs règles. Bien souvent, ils sont donc mal utilisés ou sous-utilisés. Le lecteur se sent lésé et a la fâcheuse impression de perdre son temps. On fait croire que le réseau peut répondre à tout rapidement. En réalité, l’exploiter convenablement demande beaucoup de temps que n'ont pas la plupart des utilisateurs !

    Quelle que soit la requête menée par les moteurs de recherche traditionnels, une partie — une énorme partie — du réseau ne pourra pas être atteinte et restera tout simplement introuvable. C’est le Web invisible (5). Mais que couvre ce Web inaccessible par les moteurs de recherche ?

    • Des pages de taille trop grande pour être indexées par les moteurs de recherche. Google, par exemple, va jusqu’à 101 ko ;
    • des adresses URL complexes (comme c’est souvent le cas pour des pages personnelles) ou contenant certains signes non reconnus par les moteurs (&, ?, ~, …) ;
    • des sites avec des formats inconnus des moteurs (exemple : le format pdf). Notons que les choses s’améliorent. C'est ainsi que Google reconnaît de plus en plus de formats, à condition de mener sa recherche d’une certaine façon : un document au format Excel pourra être trouvé en entrant «filetype:xlssujet». Mais qui le sait ?
    • les sites accessibles par un mot de passe ou après identification du lecteur ;
    • les sites donnant des informations en temps réel : les moteurs ne peuvent pas suivre ;
    • de nombreux sites trop nouveaux ne sont pas encore référencés, donc introuvables ;
    • les sites animés : ils ne sont pas indexables ;
    • des bases de données. On cite le chiffre de 100 000 bases de données accessibles gratuitement et pourtant introuvables. Les requêtes se font via un formulaire proposé par le site. Le robot de référencement est arrêté à ce stade. Mentionnons comme exemple les catalogues de bibliothèques : ils sont accessibles par un moteur de recherche propre. Ou les archives du quotidien La Libre Belgique (www.lalibre.be), accessibles pourtant en libre accès et gratuitement. Essayez et recherchez « Irak ». Les archives du journal ont des pages pleines sur le sujet et pourtant Google n’en signalera aucune, même pas le titre du journal ;
    • le manque de liens hypertextes. Si un site n’est pas référencé et qu’en plus, aucun autre ne pointe vers lui, il sera effectivement introuvable à jamais ;
    • enfin, tous les sites volontairement non référençables, donc protégés par des balises (par exemple, les sites en construction).

    Voici quelques chiffres approximatifs, une évaluation correcte étant tout simplement impossible. On estimait en 2003 que le Web visible représenterait entre 3 et 10% de l’ensemble de la toile. Le Web invisible est évalué à 1 000 milliards de pages. Google, le moteur le plus avancé, référence 4 milliards et demi de pages seulement, soit même pas 0,5% du total !

    D’après Piero Cavaleri, « le recours systématique aux moteurs de recherche sur Internet peut causer de graves préjudices aux usagers, qui s’exposent au risque de laisser passer des informations importantes », d’autant plus qu’ils n’imaginent pas qu’elles puissent exister ! (6).


    3) La qualité des sites n’est pas toujours contrôlée, ni l’information mise à jour.

    On ne trouve pas tout sur Internet, mais on y trouve de tout : des informations essentielles et rigoureuses ou pertinentes, mais aussi négligeables ou erronées, voire pernicieuses et même abjectes, comme apprendre les relations entre les races à partir de sites du Ku Klux Klan ou tirer son éducation de sites classés XXX !

    Ajoutons la surabondance d’informations — « trop d’infos tue l’info » —, la présence d’informations indésirables, comme la publicité non sollicitée, ou simplement la tendance à présenter l’information comme synonyme de jeu : si l'amusement n'existe plus, se donnera-t-on encore la peine de consulter un site moins attrayant, mais peut-être de meilleure qualité ?

    Il n’y a guère de contrôle de qualité sur le Web et globalement il n’y en aura vraisemblablement pas. Certaines initiatives sont lancées pour évaluer les informations, mais elles sont loin de suffire face à l’accroissement continuel du nombre des sites. La proportion d’informations de qualité est donc malheureusement en perte de vitesse. Par conséquent, il faut soi-même s’atteler à la tâche, en appliquant certaines méthodes (7). Mais qui le fait systématiquement ?

    Les données sont mises à jour quotidiennement, hebdomadairement ou en tout cas mensuellement ? Il ne faut pas naviguer longtemps sur le réseau pour se rendre compte que cette affirmation aussi est fausse. D’une part, les sites ne sont pas tous mis à jour régulièrement, s’ils le sont d’ailleurs jamais pour certains. D’autre part, les moteurs de recherche les plus efficaces ne repassent en revue les sites référencés qu’au bout d’un mois minimum.


    4) Des sites offrant le plein-texte sont souvent rares.

    Un certain nombre de documents accessibles en format papier sont mis en ligne au grand bonheur de tous les utilisateurs. Malheureusement, il n’est pas rare de constater que ce passage de la version papier au format électronique se fait au détriment d’une partie du texte intégral. Dans des bulletins, voire dans certaines revues soi-disant scientifiques, les références et notes en bas de page sont sacrifiées, les tableaux, graphiques et formules ne sont pas toujours reproduits ou ne sont pas lisibles ou ne peuvent pas être imprimés ! Le recours à ces documents se fera donc avec prudence.

    Un autre problème, beaucoup plus préoccupant encore, doit être signalé. Les articles, qu’ils paraissent dans des revues papier ou des revues électroniques, contiennent de plus en plus de références renvoyant à des adresses de sites Internet. Qu’advient-il de ces références si les liens auxquels elles renvoient deviennent introuvables ? Les notes disparaissent ! Pour évaluer le problème, des chercheurs américains ont examiné trois revues majeures : Science, New England Journal of Medicine et Journal of American Medical Association (JAMA). En trois mois, le pourcentage de références devenues inactives était de 3,8%, après 15 mois de 10% et après 27 mois de 13% ! Des méthodes diverses sont mises au point pour parer à ce problème. Certaines revues vont même jusqu’à exclure les liens hypertextes. Mais est-ce réaliste ? Et les auteurs de cette étude de conclure: « C’est assez frustrant de savoir que d’ici deux à trois ans, une partie des notes disparaîtra ! Nous avons donc fait une copie sur notre disque dur afin que l’on puisse toujours nous contacter pour les consulter. » (8).


    5) Le livre électronique (e-book) n’a pas réussi sa percée.

    Des tentatives ont eu lieu pour donner, sous une forme numérique l'illusion d'un volume traditionnel mais les échecs se sont succédé. Pourquoi ? Probablement parce que les différents systèmes proposés ne ressemblaient pas réellement à un livre. Forte de cette leçon, une entreprise japonaise, Panasonic, vient de développer un nouveau modèle, le Sigma book, qui présente deux petits écrans côte à côte pour donner l’illusion de deux pages vis-à-vis (9). Aura-t-il plus de succès ? Un autre progrès technique en cours d’élaboration, l’écran souple, pourrait aussi donner l’impression d’avoir un « véritable » ouvrage en main, que l’on pourrait même feuilleter. Le petit appareil miracle, dans lequel chacun pourrait ranger sa bibliothèque personnelle, ne sera-t-il bientôt plus une utopie ? C’est à voir, car un autre reproche plus fondamental subsiste : la vulnérabilité des outils informatiques, et donc des e-books à venir. Ne risque-t-on pas de perdre tous ses titres au premier coup de tonnerre ? (10)


    6) La lecture sur écran est plus rébarbative, moins ergonomique et moins pratique que celle d’un document papier.

    Une des raisons de l’échec de l’e-book est l’obligation de lire sur un écran. Lire sur un ordinateur est aussi inconfortable. Essayez de lire de la sorte pendant plus d’une heure d’affilée ! Mal aux yeux, à la tête, au poignet – Lésions par efforts répétés (LER) ou Repetitive Strain Injuries (RSI) - sont le lot quotidien des «accros » qui s’y emploient. Les formats numériques sont mal adaptés à la lecture de textes longs. On regrettera sans tarder les bonnes pages papier et on en viendra tout simplement à imprimer le texte. C’est pourquoi les nouvelles technologies de l'information et de la communication (Ntic) n’ont pas réduit la quantité de papier, au contraire.

    La perspective de devoir imprimer des ouvrages entiers est pourtant peu enthousiasmante, en plus d’être onéreuse. Et de toute façon, une liasse de papier A4 ne remplace pas le livre solidement relié que l’on a bien en main, qui se laisse feuilleter pour en voir en quelques instants la table des matières, l’index, les illustrations, ou simplement pour évaluer la partie déjà lue et celle qui reste à lire. Sans parler d’aspects plus « sensuels » en quelque sorte, comme le plaisir d’admirer un beau livre ou de humer la bonne odeur du cuir. Même les éditeurs de certaines encyclopédies ont bien compris le problème et sont déjà revenus en arrière. Le mouvement de transfert des contenus encyclopédiques sur des CD-Rom ou sur le réseau a eu du succès. Que n’a-t-on vanté l’utilisation d’une encyclopédie sur CD-Rom: plus besoin de manipuler plusieurs gros volumes, accès instantané aux notices d’un même sujet réparties en plusieurs endroits de la version papier, gain de place important, etc. Et pourtant, depuis peu, aussi bien l’Encyclopædia Britannica que l’Encyclopædia Universalis ont décidé de proposer à nouveau une édition papier. Leurs directeurs concluent à la nécessité d’une complémentarité des supports plutôt qu’à la substitution de l’un par l’autre. Et les quotidiens ? Quand pourra-t-on lire son journal électronique préféré dans le métro ou dans le train ? Cela viendra sans doute mais ce n’est certainement pas pour aujourd’hui ni même pour demain.

    Cela ne signifie pas que le livre numérique sur un e-book futur ou actuellement sur PC soit à rejeter. Ce qu’il faut, c’est utiliser au mieux les fonctionnalités des différents supports existants. Aucun nouveau support de l’information n’a fait disparaître le précédent. La société du savoir-papier se combine avec aisance à tous les supports (11). Le numérique n’a pas pour vocation de se substituer au livre mais de développer autour de celui-ci de nouvelles formes d’accès à la connaissance. Le livre tient bien le coup et connaît même une seconde jeunesse, peut-être grâce aux avantages que lui apporte l’électronique pour l’édition, l’impression et la commercialisation à distance.


    7) Une bibliothèque virtuelle ne remplace pas une bibliothèque classique.

    Aux États-Unis, la nouvelle Université de Monterey, Californie, a ouvert ses portes en 1995 sans bibliothèque physique. Très vite, les responsables se sont rendu compte que les étudiants et les professeurs ne pouvaient pas trouver tout ce dont ils avaient besoin sur Internet. Conclusion : il a été décidé d’acheter des livres en catastrophe par dizaines de milliers ! De son côté, l’Université polytechnique de l’État en Californie, un lieu réputé pour sa haute concentration en informatique, a étudié pendant deux ans la possibilité d’une bibliothèque virtuelle, donc entièrement électronique. La solution finalement adoptée : une bibliothèque traditionnelle de 42 millions de dollars, avec une forte composante électronique. Une bibliothèque entièrement électronique ne semble donc pas encore possible.

    Pourquoi un tel constat ? Au vu du foisonnement des moyens techniques disponibles et de la publicité qui les entoure, on pourrait penser que les bibliothèques électroniques sont facilement utilisables, plus facilement même que les bibliothèques traditionnelles. Il n’en est rien. Consulter simplement un catalogue en ligne était considéré comme difficile en 1986 (12). Des études montrent que près de 20 ans après, il en est toujours ainsi ! Que se passerait-il alors dans des bibliothèques complètement électroniques ? Les quelques lecteurs « avertis » se débrouilleront, mais les autres ? On y pratiquerait en réalité une ségrégation inacceptable.

    Il faut tenir compte de la diversité des lecteurs, de leurs connaissances, des buts de leurs recherches. Un texte de Voltaire ne sera pas présenté de la même manière à un spécialiste du XVIIIe siècle qu’à un lycéen. Comment la différence sera-t-elle perceptible dans une bibliothèque électronique ? Dans une bibliothèque traditionnelle, le nom de l’éditeur seul fournit déjà une réponse. Quand on sait que plusieurs revues électroniques se créent chaque jour, on peut être inquiet pour le lecteur qui risque de s’y perdre dans les interfaces et les moyens de recherches aussi variés qu’il y a d’éditeurs.

    Rappelons-nous, enfin, une étude de Donald A. Norman (13) parue en 1988 sur l’utilisation des objets quotidiens. Plus ils ont un aspect technique et complexe, moins on en exploite les possibilités. C’est le cas, par exemple, des appareils électroménagers, des magnétoscopes, des téléphones et des PC. Il est à prévoir que ce serait le cas des bibliothèques électroniques. Leur facilité d’utilisation est encore un mirage, malgré les efforts réels. Le recours aux bibliothèques classiques est basé sur une tradition plus que séculaire et stable. Celui des bibliothèques électroniques est complexe et en évolution permanente. Or, ce qui prime pour le lecteur, c’est le résultat ou la réponse à sa recherche et pas les outils documentaires mis à disposition.


    8) La numérisation des documents coûte très cher.

    Remplacer une bibliothèque traditionnelle par Internet suppose que l’on peut trouver sur le réseau tout ce que contiendrait celle-ci. Est-ce le cas ? Si non, est-ce possible ? Certainement pas. Le problème des droits d’auteur empêche en réalité la numérisation de nombreux ouvrages : le prix en deviendrait excessif et, à supposer qu’ils soient numérisés, ils ne pourraient pas être copiés et ne pourraient pas être lus sur un autre support que le support de téléchargement. Les ouvrages qui ne sont plus concernés par le droit d’auteur, les ouvrages de plus de 70 ans, peuvent être numérisés et diffusés sur le réseau. Mais les techniques de numérisation restent onéreuses. Pour digitaliser tous les ouvrages de la Bibliothèque royale de Belgique, il faudrait des centaines de millions d’euros, soit — pour les nostalgiques — l’équivalent de plusieurs milliards d’anciens francs belges ! C’est donc impensable.

    À ce problème de coût, s’en ajoutent d’autres. Il faut être sûr de pouvoir accéder à ces œuvres digitalisées maintenant, mais aussi dans 10 ans, dans 20 ans, dans 50 ans. Peut-on en être assuré ? Non bien sûr. Les standards des techniques utilisées peuvent changer, les sociétés qui s’en occupent peuvent faire faillite, les logiciels et les formats évoluent très vite, les supports peuvent s’altérer (14). De nombreuses données consignées sur papier traversent les siècles. Il n’est pas sûr que celles enregistrées sur support numérique pourront en faire autant à moins de les transférer sur de nouveaux supports tous les cinq ans au moins ! Un exemple célèbre : une grande partie des données recueillies par la mission Appolo XI de 1969 sont aujourd’hui perdues, la Nasa n’ayant apparemment pas gardé les ordinateurs et les logiciels nécessaires à leur lecture (15). Si l’obsolescence inflige des pertes difficilement réparables à la plus grande agence spatiale du monde, on peut être très inquiet quant l’avenir de nombreux documents électroniques éparpillés dans de différentes institutions disposant de beaucoup moins de moyens.

    Très gênant aussi pour l’avenir, le fait que l’abonnement à une revue électronique ne garantit pas la possession d’un exemplaire, mais seulement le droit de consultation. En cas de renonciation à un abonnement, on perd ce droit complètement, même pour les anciens numéros, ce qui est difficilement acceptable.


    9) Les documents sur Internet n’ont pas plus de 10 à 15 ans.

    Le développement exceptionnel d’Internet remonte aux années nonante, soit à une dizaine d’années. Tout ce qui s’y trouve est donc — relativement — récent. Certes, il y a bien d’anciens ouvrages numérisés, des documents historiques remontant parfois aux temps immémoriaux, mais la proportion en est très modeste, on a vu pourquoi. D’autre part, des documents, parce qu’ils ont déjà une certaine ancienneté, sont supprimés. C’est le cas de ces éditeurs qui donnent accès électroniquement à leurs revues : ils ont tendance à supprimer une année antérieure lorsqu’ils en ajoutent une autre. Le risque de ne pas ou de ne plus pouvoir accéder à des données de (grande) qualité mais un peu anciennes est donc sérieux. Si on ajoute à cette tendance le problème de l’obsolescence du matériel et des logiciels ainsi que celui de l’instabilité des documents électroniques disponibles sur le réseau (la durée de vie moyenne d’une page Internet n’était déjà plus que de 46 jours en 2001), on peut raisonnablement se poser bien des questions.


    10) Le Web ne peut remplacer les services d’un centre de documentation.

    Internet est certainement un merveilleux outil d’information et de communication mondiales, mais il n’est qu’un outil. Les informations sur un sujet donné semblent facilement rassemblées, si facilement que souvent on les accumule sans même les lire complètement, tout heureux de se constituer un dossier apparemment « solide » mais s’avérant la plupart du temps épars, inutile, redondant et finissant à la poubelle. La lecture sur écran est vraiment rébarbative. Tout ne peut donc pas être numérique. Il faut dès lors veiller à ce que le réseau ne soit pas la seule source d’informations utilisée et connue du lecteur, sinon on construira des « cimetières de l’oubli ». La qualité de l’information et du savoir passe par la diversité des supports (16).

    Pour terminer, une importante question reste à poser. Y a-t-il des fonctions qui ne peuvent pas être fournies à distance et que seule une bibliothèque peut remplir ? Outre la fonction de dépôt des connaissances passées qu’il faut conserver à tout prix (et qui est à charge des bibliothèques nationales), la bibliothèque remplit une fonction contextuelle. Elle peut mettre le lecteur en contact avec le domaine de connaissances dont relève l’information recherchée, grâce à l’organisation physique du savoir. Le lecteur a rapidement une idée des ressources à sa disposition rien qu’en regardant les rayonnages. De même, une revue consultée pour un article précis présentera au lecteur un peu curieux les autres articles du numéro. Combien d’idées, de nouvelles recherches ne sont-elles pas nées pour avoir glané ici ou là une information intéressante en feuilletant simplement une revue ou un ouvrage ? (17).

    Sans doute trouve-t-on de temps en temps en bibliothèque des publications papier erronées ou même pernicieuses. Mais en général, les ouvrages et revues sont soumis à des contraintes éditoriales (comités de lecture, relecture par les pairs ou « peer review », comptes rendus critiques), ce qui n’est pas le cas des diffusions électroniques. De plus, le bibliothécaire/documentaliste sérieux et compétent s’informe avant d’acquérir un ouvrage: il n’achète pas les yeux fermés. Il utilise donc sa compétence des matières en question et son esprit critique pour gérer une sélection.

    Comme le fait remarquer Christian Vandendorpe (18), ce n’est pas le cas lorsque l’on recourt au réseau : « Pour toute une série de raisons dues à l’état encore "immature" du média, la dynamique du Web tend à transformer la lecture en une activité fébrile où le lecteur est constamment à la surface de soi-même, surfant sur l’écume des sens offerts, emporté dans un kaléidoscope d’images et de fragments de texte oubliés dès qu’ils ont été perçus. Cette forme de lecture est condamnée à papillonner dans la répétition et à voir les mouvements de zapping s’accélérer en proportion directe de l’ennui engendré ». Bref, sans bibliothèque et centre d’information/documentation, nous risquons fort d’être orphelin d’une grande partie des vraies connaissances.




    Pour en savoir plus

    Patrick Bazin, Bibliothèque publique, révolution numérique et transmission culturelle, Lectures, n° 123, novembre-décembre 2001, pp. 28-32.

    Laurent Bernat, Les documentalistes ont l’avenir devant eux, mais..., Documentaliste-Sciences de l’information, 2003, t. 40, n° 2, pp. 142-146.

    Anne-Marie Bertrand, Les bibliothèques, Paris, La Découverte, 2004, collection « Repères ».

    Christiane De Craecker-Dussart, Les bibliothèques électroniques, Athena n° 175, novembre 2001, pp. 139-144.

    Christiane De Craecker-Dussart, L’évaluation des informations sur Internet, Athena, n° 194, octobre 2003, pp. 77-82.

    Dossier: Internet ou le livre ? Internet et le livre !, Lectures, n° 119, mars-avril 2001, pp. 17-40.

    Thomas Kreczanik, De la bibliothèque traditionnelle à la bibliothèque numérique, www.ens-lyon.fr/Bibli/bib-num/typologies.pdf/ Lyon, École normale supérieure, (en ligne) 19 septembre 2003.



    Bibliographie

    (1) http://portal.unesco.org/

    (2) Jean-Claude Le Moal, La documentation numérique, Bulletin des bibliothèques de France, t. 47, n° 1, 2002, p. 68 et Piero Cavaleri, Les bibliothèques et les services personnalisés en ligne, Bulletin des bibliothèques de France, t. 48, n° 4, 2003, p. 28.

    (3) Didier Frochot, Dichotomie entre bibliothécaire et documentaliste, Defidoc. Information-documentation-connaissance, décembre 2003, http://www.defidoc.com/
    Webster Dictionary of the English Language et Online Dictionary for Library and Information Science, Odlis. http://lu.com/odlis/

    (4) Michel Fingerhut, Le titre d’un livre n’est pas le livre, Livres Hebdo, 27 août 1999, p. 11.

    (5) Christian Vanden Berghen, Comment accéder à l’information scientifique, Athena, n° 201, mai 2004, pp. 447-449.

    (6) Piero Cavaleri, Les bibliothèques et les services personnalisés en ligne, Bulletin des bibliothèques de France, t. 48, n° 4, 2003, p. 29.

    (7) Christiane De Craecker-Dussart, L’évaluation des informations sur Internet, Athena, n° 194, octobre 2003, pp. 77-82.

    (8) Stéphane Bertrand, Avec le temps disparaissent les liens Internet, Infoscience. Le quotidien en ligne: www.infoscience.fr/articles/articles_aff.php3?Ref=805/, 12 novembre 2003.

    (9) Trends Tendances, 29/4/2004, p. 72.

    (10) Réjean Savard, Intégration et avenir des bibliothèques dans la société de la connaissance, Lecture n° 123, novembre-décembre 2001, p. 18 - Michel Fingerhut, Le titre d’un livre n’est pas le livre.

    (11) Yvon-André Lacroix, Les bibliothèques publiques: ces partenaires du savoir. Discours prononcé au Forum des bibliothèques publiques du Québec, 22 septembre 2000, en ligne sur http://www.bnquebec.ca/fr/activites/act_partenaires.htm

    (12) Christine L. Borgman, Why are online catalogs hard to use ?, Journal of the American Society for Information Sciences, t. 37, 1986, pp. 387-400 - Alain Jacquesson, De la difficulté à utiliser les bibliothèques numériques, Bulletin d’information de l’ABF, n° 188, 2000, en ligne sur http://www.abf.asso.fr/rubrique.php3?id_article=68/

    (13) Donald A. Norman, The psychology of everyday things, New York, Basic Books, 1988 (cité par Alain Jacquesson).

    (14) Michel Fingerhut, La numérithèque entre réalités et fantasme, Livres Hebdo, n° 381, 12 mai 2000, pp. 80-84).

    (15) Courrier de l’Unesco, octobre 2000, p. 46.

    (16) Marie-France Blanquet, Journée FADBEN 17/01/2003, Le leurre de l’accès pour tous à l’information, en ligne sur http://ac.montpellier.fr/crdp/services/lesdocs.avenir_doc.pdf/ pp. 9 et 10).

    (17) James Huff, On my mond, « Defining the non-virtual Library», American Libraries, novembre 2003, pp. 36-55 - Roger Grosjean, Informatiebronnen over chemische agentia, dans Blootstelling aan chemische en carcinogene agentia, Malines, Kluwer, 2004, pp. 85-90 - Dan Boom, Frank Lekanne Deprez et René Tissen, Angst en hoop voor de bibliothecaris, Informatie Professional, n° 6, 4, 2002, pp. 18-22.

    (18) Christian Vandendorpe, Du papyrus à l’hypertexte. Essai sur les mutations du texte et de la lecture, Paris, La Découverte, 1999, collection « Sciences et société», p. 229. - Voir le compte rendu dans Athena n° 166, décembre 2000, pp. 198-199.





    AUTEUR : C. De Craecker-Dussart

  •  UN PLANNING PRÉCIS

     

    Formulez clairement vos objectifs. Décrivez concrètement ce que vous vous proposez de faire, et à quel moment. Ne vous contentez pas de dire «Je vais étudier», mais précisez par exemple «De 16 à 18 heures, synthèse des pages 80 à 120 du cours de philo». Lorsqu’il est concret, un planning est plus facile à respecter. Ce planning vous servira de garde-fou dans les moments difficiles. Un petit conseil toutefois : ne soyez pas trop ambitieux lorsque vous l’établissez. Si vous ne parvenez pas à vous concentrer plus d’une heure d’affilée, ne prévoyez pas une après-midi d’étude sans la moindre interruption...

    PENSEZ «POSITIF» !

    Ne créez pas votre propre perte en cultivant l’angoisse et le stress. Ce processus d’autodestruction peut se dérouler comme suit :
    1 Je ne vais jamais réussir.
    2 Je suis en retard et il y a trop à étudier.
    3 Je vais probablement échouer.
    4 Ce sera l’échec.
    5 Je suis un raté et je ferais mieux d’arrêter d’étudier.
    Si vous aboutissez dans ce cercle vicieux, changez radicalement votre manière de voir les choses. Essayez par exemple la relaxation par la respiration.

    RESPIREZ POUR VOUS RELAXER

    Installez-vous confortablement dans un endroit calme. Restez debout ou couchez-vous de tout votre long. Fermez les yeux. Respirez lentement et profondément par le nez, en gonflant le ventre au maximum. Retenez ensuite votre respiration pendant 5 secondes. Expirez complètement par la bouche. Répétez cet exercice durant 5 minutes. À l’issue de ces cinq minutes, ne vous redressez pas trop vite, car vous pourriez perdre l’équilibre. Relaxez-vous de cette sorte avant une situation de stress. Si vous ne pouvez vous installer confortablement, contentez-vous d’inspirer et d’expirer posément.


    À FOND LA FORME PENDANT LA BLOQUE !

    •    Mangez sain et léger. Lorsque vous avez prévu d’étudier, évitez les repas trop lourds, Ils se digèrent difficilement et provoquent somnolences et apathie. Optez plutôt pour plusieurs en-cas légers répartis sur la journée que pour un seul repas (trop) copieux.

    •    N’abusez ni du café ni du coca. Ils contiennent de la caféine, une substance qui peut vous rendre hypernerveux. Buvez-en modérément et alternez avec de l’eau et du jus de fruits.

        • Dormez. C’est pendant votre sommeil que le cerveau fixe les informations emmagasinées pendant la journée. Si vous vous endormez difficilement, faites une promenade ou buvez une tasse de lait chaud avant de vous glisser sous la couette.

        • Si vous fumez, faites-le à l’extérieur. L’exposition prolongée à la fumée de cigarette prive votre cerveau de l’oxygénation nécessaire. Combinez votre cigarette à un tour dans le quartier. Et si vous envisagez d’arrêter
    def umer, faites-le plutôt après les examens.

    • Faites de l’exercice. L’activité physique stimule la circulation sanguine et prévient les maux de nuque et de dos. Ne restez surtout pas assis ou couché pendant plusieurs heures, mais intégrez du changement dans votre horaire: promenade, détente, brève conversation avec vos copains ou parents...

    •    Offrez-vous un petit plaisir si vous réussissez à respecter votre programme : regardez une cassette, allez nager ou prenez un cappuccino sur une terrasse...

        •Si, malgré ces conseils, le stress et la peur de l’échec vous gagnent, vous trouverez une oreille attentive tous les jours de 11 à 23 heures à Télébloque (en Belgique), au 078-15 40 60.


    Avec l’aimable autorisation de Ma semaine TV de GB.

            TEXTE: A.M.


  •  

    Voici le troisième et dernier article de Bruno Hongre consacré à l’explication de texte. Une méthode basée sur l’interactivité entre ce que l’on peut ressentir face à un texte et l’observation minutieuse du langage de l’auteur.

     



    L’IMPRESSION D’ÉVIDENCE : COMMENT Y ÉCHAPPER ?


    Nous voici devant une page inconnue, une phrase complexe, un simple beau vers. Notre première réaction est souvent un sentiment d’évidence: eh bien quoi, cette phrase dit bien ce qu’elle veut dire ! Ce vers est magnifique, il suffit de le prononcer ! Qu’ajouter, puisque ça coule de source ? Pourquoi analyser ? Comment faire ? Par quel bout prendre le texte ? Comment entrer dans son tissu ?
    Ce sentiment d’évidence nous bloque souvent à la première lecture. Les choses paraissent tellement aller de soi que le candidat se demande ce qu’il doit expliquer. Il est conduit alors à répéter l’idée du texte, à en délayer la formulation : il fait ce qu’on appelle de la paraphrase. Pour sortir de ce blocage, il nous faut reprendre et approfondir la distinction faite dans un article précédent entre ce que dit le texte et la façon dont il le dit.

    Prenons l’exemple d’un vers de Racine qui, plus qu’aucun autre, donne ce sentiment d’évidence :
    Le jour n’est pas plus pur que le fond de mon cœur.
    (Phèdre, IV, 2)


    C’est à son père Thésée, qui l’accuse d’un amour coupable, que le jeune Hippolyte affirme par ces mots son innocence.
    Ce que nous dit cette phrase est facile à saisir : elle exprime bien la clarté d’un cœur. Les termes employés « jour/pur/cœur» retentissent en nous pour nous donner cette impression de pureté, de transparence. Le « jour » surtout est riche de connotations : il renvoie à une expérience fondamentale de l’homme, celle de la lumière naturelle, des grandes belles journées qui effacent les ombres et clarifient toute chose. Bien prêter attention à ce qu’évoque en nous le vers nous permet de mieux mesurer sa portée.
    Mais à ce premier regard, tourné vers notre impression, doit en succéder un second, centré sur l’expression. L’habitude d’expliquer les textes nous permet de recenser les quelques éléments suivants :

    La mise en valeur du mot « jour »
    en début de vers : il sert de point de comparaison, il inscrit d’emblée le thème de la clarté dans l’esprit de l’auditeur (le terme étant saisi dans toute sa force symbolique) ;

    L’ordre dans lequel est établie la comparaison : il ne s’agit pas de poser la simple équation « mon cœur est pur comme le jour », mais — nuance essentielle — d’opérer le mouvement inverse : c’est le « jour » qui ne parvient pas à être plus « pur» que le « cœur ». En inversant le comparant et le comparé, l’auteur établit que le jour est d’une pureté inaltérable, première, si essentielle que le plus pur des jours ne saurait l’égaler. Vous me suivez ?

    La succession des mots est d’ailleurs remarquable : elle nous conduit du monde extérieur (pureté du jour) vers le monde intérieur (fond du cœur). Habituellement, ce qui est apparent est clair, ce qui est profond l’est beaucoup moins. Ici, c’est le fond même du cœur qui a plus de clarté que l’air du jour… Le personnage est donc bien d’une parfaite transparence.

    La simplicité même du vers contribue à cette limpidité de son sens : d’une part, tous les mots sont des monosyllabes ; d’autre part, leur déroulement régulier est marqué par quatre accents toniques (mis en caractères gras ci-dessous) qui mettent en valeur les mots essentiels :
    « Le jour n’est pas plus pur que le fond de mon cœur. »

    • Enfin, l’écho des voyelles longues que prolongent les « r », -our, -ur, -œur, semble étudié pour mieux fondre ensemble les sens des trois mots clefs : jour/pur/cœur.

    Le personnage à qui Racine prête ce vers est donc toute transparence dans ce qu’il dit comme dans la façon dont il le dit. Si l’on connaît cette tragédie, on sait qu’Hippolyte est aux antipodes mêmes de Phèdre qui, elle, se débat dans une passion sombre et coupable. Ce vers prend ainsi une dimension nouvelle, par le contraste qu’il opère entre la pureté de l’innocence du jeune homme et la noirceur du « crime » de l’héroïne. L’explication s’achève sur cette remarque. L’essentiel est dit.

    Au cours de ce bref commentaire, nous venons d’explorer méthodiquement deux voies :
    • Une recherche sur nos impressions, en principe subjectives, pour mieux saisir ce que nous éprouvons ;
    • Une recherche sur les moyens d’expression employés dans ce vers, pour mieux comprendre ses effets ;

    Mais, dans chacune de ces voies, nous ne pouvions oublier complètement l’autre…
    C’est qu’il fallait bien, en analysant notre impression, avoir à l’esprit les mots clefs du vers et une certaine connaissance de leurs connotations ; corollairement, en recensant les moyens d’expression, nous devions tenir compte des effets que nous avions perçus en nous-mêmes. Ainsi se dessine une méthode en trois temps, véritable triangle d’or de l’explication de texte :



    Il faut ressentir, préciser et analyser en soi la gamme des impressions que produit le texte.
    Il faut recenser, observer dans le texte la gamme des moyens d’expression qu’il recèle.
    Il faut relier ce que l’on a ressenti à ce que l’on a recensé, et réciproquement, dans un va-et-vient maîtrisé.


    JE RESSENS : des impressions globales aux sensations particulières

    Nos réactions aux textes sont souvent vagues. Aussi faut-il apprendre à ressentir.
    Ressentir, bien sûr, c’est d’abord recevoir le sens global du texte. C’est « comprendre », entrer en compréhension profonde (exactement comme l’on essaie de « comprendre » quelqu’un), et non pas simplement saisir des idées abstraites. C’est entrer en résonance avec le corps du texte.
    En effet, à la signification précise des mots se mêlent toujours des évocations secondes, des « connotations », des représentations intérieures qui ne nous touchent pas au seul niveau cérébral. On peut palpiter, rire, transpirer d’effroi, pleurer, être réconforté ou désespéré à la lecture de certaines pages. Nos souvenirs, notre culture, notre émotivité, tout participe à la lecture. Il faut donc apprendre à observer méthodiquement tout ce qui se passe dans notre conscience face au texte.
    Nous avons parlé dans l’article précédent du « grand livre de la vie » que nous avons tous dans notre esprit. Ce dictionnaire vivant nous habite, avec son immense réservoir de mots et d’images, d’expériences et de rêves, de significations et d’interrogations. Il est structuré dans notre mémoire par le biais du langage. C’est grâce à lui que nous pouvons « lire », c’est-à-dire trouver un sens et une « réalité » à ce que nous lisons. Avant même la lecture du texte, il nous faut donc savoir reconnaître ce réseau intérieur qui va retentir au texte, en fonction de la nature de celui-ci.
    Dans un premier temps, nous allons fouiller dans notre mémoire et nous interroger sur les impressions préliminaires, déjà installées en nous, que nous pouvons avoir sur le thème que traite une page littéraire. Cela s’appelle reconnaître en soi l’horizon d’attente. Par exemple, si j’ai à commenter le poème « Les Aveugles » de Baudelaire, je puis d’abord me demander : « Qu’est-ce qu’un aveugle pour moi ? Comment ai-je réagi, enfant, quand j’ai pris conscience que des gens ne voient pas ? Ai-je eu peur ? Ai-je eu pitié ? Ai-je eu le sentiment que ces gens-là ont un mystère ? Qu’ils ont la vision d’un autre monde ? etc. » Une telle mise au point va me permettre de mieux recevoir les effets du texte, de mieux situer son originalité par rapport aux stéréotypes de la conversation courante, ou par rapport à d’autres textes que je connais sur le même sujet.
    Puis, en cours de lecture, je noterai l’évolution de mes impressions. Un page produit rarement une atmosphère unique, globale et uniforme. Il y a des intensifications, des modifications, des contrastes, des convergences. Il faut être attentif à tout ce qui varie dans notre impression, et surtout, prendre garde à ce qu’une impression (marquante pour nous en raison de notre sensibilité) n’efface pas les autres, tout aussi importantes. On peut d’ailleurs changer d’impression sur tel ou tel passage, en le relisant…
    En fin de lecture, évidemment, le bilan de nos impressions successives pourra être comparé à ce que nous avons déjà observé dans la vie ou dans d’autres textes. La règle est de ne jamais banaliser, de ne jamais réduire l’effet d’un texte à l’effet produit par d’autres textes, mais au contraire, de différencier les impressions que peuvent nous faire des pages portant sur des thèmes ou des situations similaires. Bien entendu, cela suppose qu’on affine ses réactions premières, et qu’on entre dans le détail.

    C’est ce que vont nous permettre, justement, les impressions particulières. Là encore, il va falloir observer en soi. Au fil des phrases, ligne après ligne, vers après vers, on va préciser la « représentation » que les mots tissent en nous-mêmes. Leur déroulement est comme un petit film projeté sur l’écran de notre conscience. Significations, perceptions (visuelles, sonores), connotations, inflexions rythmiques, tout cela forme une chaîne, un flux qui conduit notre imaginaire. Suivez bien votre film intérieur : le moindre détail d’un texte impressionne votre cerveau comme une pellicule… Il faut alors, aussi lentement que possible :

    Retentir aux mots, aux groupes de mots. Pour l’écrivain, ceux-ci ne sont pas des signes abstraits : ils renvoient toujours à des réalités sensibles, à ses souvenirs, ses expériences, ses rêves. Les « espaces » pour Pascal, la « douleur » pour Baudelaire, « l’absurde » pour Camus, ne sont pas de vains mots. Ils sont chargés de connotations. Pour bien recevoir le texte, il faut examiner le halo particulier, le petit éclat intérieur que chaque mot, lentement prononcé, peut faire naître en nous. Il faut chercher quelle expérience, quel souvenir personnel, entrent en résonance avec les images de l’auteur. Il faut tenter de rejoindre la sensibilité de l’écrivain à partir de nos émotions personnelles, qu’il soit question du vent, de l’automne, d’un deuil, de la joie d’aimer, ou de l’indignation devant l’horreur.

    Voir en soi. Que percevons-nous exactement, comment notre imaginaire est-il visuellement touché ? Si, par exemple, Nerval nous parle du « soleil noir de la Mélancolie », avant de reconnaître telle ou telle figure de style, cherchons l’image que l’expression fait jaillir dans notre esprit. Fermons les yeux pour mieux voir : voici un soleil négatif, dardant des rayons noirs ; l’opposition avec notre perception habituelle de l’astre éblouissant nous plonge dans un autre monde ; nous pénétrons alors dans la vision d’un poète dominé par la puissance mortifère de la Mélancolie. Nous pourrons ensuite identifier le rôle de l’oxymore et la force de la métaphore : mais nommer ces figures de style n’aurait pas suffi si nous n’en avions pas ressenti d’abord les effets singuliers.

    Savoir écouter. Les textes agissent doublement sur notre oreille : par les sons et les bruits du monde auxquels ils renvoient ; par les sonorités et les rythmes dont ils se constituent eux-mêmes. Dans l’un et l’autre cas, il faut être conscient des éléments auditifs qui nous impressionnent. Considérons par exemple la célèbre strophe, si mélodique, de Verlaine :

    Les sanglots longs
    Des violons
    De l’automne
    Blessent mon cœur
    D’une langueur
    Monotone
    .

    On ne peut bien ressentir cette phrase que si l’on se remémore le son caractéristique du violon : il faut évidemment se souvenir en soi de sa vibration prolongée (qui justifie que les « sanglots » soient qualifiés de « longs »). Mais il faut aussi écouter, simultanément, le déroulement lent de la phrase sur les six vers de la strophe (par exemple, en la disant à haute voix). Nous y retrouvons justement, dans les échos sonores, dans la modulation rythmique des vers, cette « vibration » du violon qu’ils sont chargés d’évoquer. Sans cette double perception préalable, on ne pourra pas « expliquer » un texte dont on n’a pas écouté la poésie musicale. Viendra ensuite l’étude des effets objectifs du texte (diérèse, assonances, accents rythmiques, allitérations). Mais l’un ne peut aller sans l’autre.

    Le lecteur qui veut bien nous suivre fera sans doute une objection de taille : et si l’on ne ressent rien ? Si l’on est « sec » devant une page qui semble archaïque, ou écrite dans une autre langue que celle qu’on a l’habitude d’entendre ? Si l’on n’a pas du tout d’impression ?! Que faire ? Faudra-t-il faire semblant ?
    Je pourrais être tenté de répondre : pourquoi pas ?
    En réalité, il est rare qu’on soit totalement dénué d’impression, surtout si l’on veut bien relire le texte une ou deux fois en suivant la méthode que je viens d’indiquer. Quoi qu’il en soit, le fait que certains lecteurs ne ressentent rien au premier abord montre bien qu’il faut apprendre à ressentir, surtout à la lecture des textes classiques.
    Mais il y a tout de même quelques recours devant une page qui ne nous « inspire » rien. C’est de se servir de son bon sens et de se demander : « Compte tenu du thème de ce texte et de son déroulement, que devrais-je ressentir ? Qu’est-ce que l’auteur — si je compare à d’autres extraits que je connais sur le même sujet — peut bien vouloir produire comme effets ? » Ces questions renvoient le lecteur à l’observation objective du texte. Faute d’émotion immédiate qui pourrait le guider, il doit regarder les mécanismes mis en œuvre dans la page, chercher la loi de son fonctionnement : bref, il va partir de la seconde voie d’accès au texte, le recensement. Et peut-être parviendra-t-il, en étudiant le texte avec sa seule intelligence, à y trouver des aspects, des processus, un climat qui vont, peu à peu, éveiller sa sensibilité. Les deux voies sont en effet complémentaires.


    JE RECENSE : de la nature du texte à ses moindres procédés

    Il s’agit d’observer le texte à tous les niveaux, de façon méthodique, en allant toujours du général au particulier.

    La nature du texte.
    Un coup d’œil global, qui doit devenir spontané, doit nous permettre dès l’abord de discerner à quel type de texte nous avons affaire : descriptif, narratif, argumentatif, théâtral, lyrique, poétique. Non seulement en reconnaissant que nous sommes en face d’une page de roman, d’une scène tragique ou comique, ou d’une poésie ; mais encore parce que très vite nous devons identifier la tonalité (ou le registre) qui domine tel ou tel passage que nous devons commenter (didactique ? réaliste ? polémique ? ironique ? dramatique ? épique ? romanesque ? etc.). Nous pouvons déjà pressentir, par ce simple coup d’œil, quels seront les centres d’intérêt que pourra mettre en valeur le commentaire, et même deviner « le message » probable de l’auteur.


    Le mouvement du texte.
    Les détails, les parties d’un passage, ne prennent vraiment tout leur sens, toute leur portée, que dans l’ensemble où l’auteur les a ordonnés. Il faut donc observer la page comme on observe un tableau : à bonne distance. Voir ainsi les grands masses qui le composent, les éclairages dominants, les progressions ou les contrastes étudiés, bref, le plan ou le rythme du texte. À ce stade de l’examen, on va donc saisir (même sans rien « ressentir ») le travail de composition de l’artiste. Les débuts et les fins de passages méritent une attention particulière : l’auteur y laisse voir comment il veut nous prendre ou nous surprendre, où il veut nous emmener, dans quelle atmosphère il désire nous entraîner. Les dernières phrases d’un paragraphe, les « chutes » de certains poèmes, nous renseignent la plupart du temps sur l’effet dominant, sur ce à quoi le texte voulait en venir…

    Le texte lui-même.
    Sans recenser les innombrables aspects d’un texte (car sa nature et son mouvement peuvent déjà limiter nos axes de recherche), on pourra, pour l’examiner, puiser dans la gamme des éléments suivants :

    - L’énonciation. Pour un écrivain, l’énonciation, c’est l’acted’écrire. Les éléments constituants de cet acte transparaissent dans l’énoncé : ce sont les indications relatives au lieu et au temps où l’énoncé est produit (ou encore, où il affecte d’être produit), à la personne qui est censée s’exprimer, à celle à qui l’énoncé s’adresse. Devant un texte, il est donc essentiel de se poser les questions suivantes : Qui parle ? A qui ? Où ? Quand ? Comment ? L’auteur choisit-il d’intervenir explicitement dans ce qu’il énonce ? Préfère-t-il mettre en scène un narrateur ? Pourquoi rapporte-t-il un récit à la première, à la troisième ou à la seconde personne ? De quel point de vue (sans toujours l’avouer) décrit-il un lieu, une scène ? Où se place-t-il par rapport à ses personnages (quelle « focalisation » adopte-t-il ?) Comment est conduit le regard du lecteur dans une description ? Celui-ci est-il mis à distance ? Ou placé à côté du héros, voire dans le for intérieur du héros, pour faciliter l’identification ? Autant de questions qui dépassent la seule étude du style au sens strict, mais sont inhérentes à tout regard objectif sur un passage.

    - La nature du vocabulaire. Le choix des mots est décisif, qu’il s’agisse de textes entiers ou de simples tournures. Le vocabulaire est-il concret, figuré ? Se rapporte-t-il à l’action, à la description, à l’analyse psychologique ? Quels sont les temps utilisés ? Les pronoms les plus fréquents ? A quelles sensations dominantes obéit le choix des mots (vue/ouïe/toucher/odorat ?) Quels éléments de la nature (ou du monde social fait-il intervenir ? Y a-t-il des champs lexicaux particulièrement révélateurs ? Comment se répartissent (se mêlent ou s’opposent) les divers registres du vocabulaire (animal/végétal/humain) ? Le style est-il globalement soutenu, recherché, simple, familier, prosaïque ? Les termes veulent-ils nous plonger dans un univers réaliste, dramatique, métaphysique, surréaliste ? Les adverbes et les adjectifs, à la base de la modalisation, révèlent-ils les sentiments, les préjugés du locuteur, etc. ?

    - La phrase et son expressivité. La place des mots est également déterminante. La phrase elle-même peut être concise, hachée, ample, périodique, selon les réalités évoquées ou selon le « souffle » de l’auteur. Ce repérage sera ensuite à relier aux significations : pour l’instant, il faut le conduire sans a priori. L’un des éléments essentiels de l’expressivité sera naturellement la présence de figures de style. Il faut les repérer tout de suite. Il peut s’agir de figures portant surtout sur la construction de la phrase (apostrophe, ellipse, anaphore, antithèse, chiasme), ou surtout sur l’expression de la pensée (figures d’insistance ou d’atténuation : métaphore, hyperbole, métonymie, litote, euphémisme), mais les unes et les autres sont liées dans le tissu du texte.

    - La versification. Les aspects propres aux poèmes, versification, effets sonores (allitération, accents toniques, assonances, rimes), phénomènes d’enjambement et de rejet, doivent être reconnus et maîtrisés dans l’étude de la poésie. À ce sujet, deux écueils sont à éviter :
    • Faire des remarques formelles inutiles : dire qu’un sonnet a quatorze vers ou qu’un alexandrin a douze syllabes n’explique rien, puisque c’est la norme ;
    • Inversement, expliquer un texte poétique sans tenir compte de son expressivité rythmique et musicale, comme s’il ne s’agissait que d’un texte en prose, conduit à en manquer la vraie dimension.

    Dans tout ce travail de recensement, il faut s’attacher aux effets volontaires, manifestes, ceux qui traduisent un effort d’expression notable de la part de l’auteur. Comment les isoler les uns des autres ? C’est justement en opérant un va-et-vient continuel entre les deux approches du texte qu’on y parviendra.


    JE RELIE : le va-et-vient entre l’impression et l’expression

    Il s’agit maintenant de mettre en relation les deux relevés.
    D’un côté, nous avons constaté des pressions ressenties au-dedans de nous-mêmes : ce sont les im-pressions.
    De l’autre, nous avons repéré les pressions que la forme du texte essaie d’opérer à l’extérieur d’elle-même, sous la poussée du « vouloir dire » de l’auteur : ce sont les ex-pressions.
    Lorsque les unes et les autres se correspondent, nous pouvons alors faire état objectivement des effets du texte. Effet de réel, effet de sens, effet d’atmosphère, effet d’émotion, etc.
    Expliquer le texte, ce sera établir ces effets et en commenter la portée, en partant tantôt des impressions, tantôt de l’expression. C’est leur correspondance qui sera décisive. D’où ce schéma :





    Quelle que soit la forme de l’explication (écrite ou orale, linéaire ou méthodique), la règle sera donc :
    -de ne faire état d’aucune impression qui ne soit appuyée sur les indices textuels du texte ;
    -de ne relever aucun moyen d’expression sans préciser son effet (vérifié) sur le lecteur.

    Dans la pratique, le plus simple est d’opérer (au brouillon) par recherches successives, alternant le « je ressens » et le « je recense », pour chaque aspect ou chaque partie du texte à étudier. Chaque aller-retour que je fais entre mon impression et les expressions me permet un contrôle immédiat des effets du texte : le « je relie » est toujours présent à mon esprit. De plus, je puis ainsi entrer dans le texte progressivement, affinant aussi bien mes réactions successives que mes repérages. Enfin, cette méthode m’aide à élaborer peu à peu des hypothèses de lecture que je vérifie aussitôt, processus qui est à la base même de ce qu’on appelle maintenant « lecture méthodique ». Cela donne :




    Et ainsi de suite. Lorsqu’on s’entraîne à l’explication, qu’il s’agisse de paragraphes ou de simples phrases, ce processus devient vite automatique. Bien sûr, après ce travail de recherche, il faudra ordonner les résultats, classer les effets du texte par centres d’intérêt, faire un plan de commentaire, etc. Ainsi progressera l’analyse vers la spécificité de la page et de son art.


    APPLICATION SUR UN EXEMPLE

    Prenons l’exemple d’une longue phrase extraite du roman de Barjavel, La Nuit des temps (1968). Il y est question d’un personnage et d’un groupe d’hommes qui se trouvent près du pôle sud, aux prises avec les éléments hostiles de l’Antarctique, le vent et la glace. Voici l’évocation de leur lutte :

    « Il n’en pouvait plus de toute cette glace et de ce vent, et de ce vent, et de ce vent qui ne cessait jamais de s’appuyer sur lui, sur eux, sur tous les hommes de l’Antarctique, toujours du même côté, avec ses mains trempées dans le froid de l’enfer, de les pousser tous sans arrêt, eux et leurs baraques et leurs antennes et leurs camions, pour qu’ils s’en aillent, qu’ils débarrassent le continent, qu’ils les laissent seuls, lui et la glace mortelle, consommer éternellement dans la solitude leurs monstrueuses noces surglacées… »
    (René Barjavel, La Nuit des temps, Presses Pocket)

    Commençons par « ressentir ». Il n’est pas inutile d’abord de nous remémorer nos souvenirs de saisons froides, nos premières expériences de la neige, du vent et de la glace, mais aussi les images que divers documentaires sur les pôles ont « archivées » dans notre esprit. Nous voici dans l’ambiance. À la lecture du texte, notre première sensation peut être une sensation d’excès, d’impuissance et de saturation devant l’acharnement du froid et du vent, — sensation commandée par l’attaque du paragraphe : « Il n’en pouvait plus. »
    Observons le texte. Notre impression première vient d’une part de ce début du paragraphe, qui nous associe à ce qu’éprouve le héros, mais surtout des procédés d’insistance répartis au fil du texte : l’expression de l’absolu et de la totalité par exemple (« Toute cette glace » ; « qui ne cessait jamais » ; « les pousser tous sans arrêt » ; « toujours du même côté » ; « éternellement »).
    Approfondissons. Que nous nous tournions vers notre film intérieur ou vers le texte objectif, nous allons observer qu’à cette impression de permanence dans le temps se joint une impression d’omniprésence dans l’espace. C’est d’ailleurs un double effet que l’on retrouve souvent : dans les textes descriptifs, l’une des clefs de l’explication consiste à étudier en parallèle tout ce qui est de l’ordre du temps et tout ce qui est de l’ordre de l’espace (cf. la phrase de Pascal commentée dans notre premier article).
    Ici, l’omniprésence du vent est soulignée par de nombreuses répétitions : « et de ce vent, et de ce vent, et de ce vent » ; « sur lui, sur eux, sur tous les hommes » ; « les pousser tous […], eux et leurs baraques et leurs antennes et leurs camions » ; « pour qu’ils s’en aillent, qu’ils débarrassent le continent, qu’il les laissent, […] ».
    Notre impression se précise alors : il n’y a pas simple excès, mais sentiment de suffocation devant ce souffle ininterrompu, omniprésent, irrésistible.
    Retournons au texte : nous pouvons affiner notre observation. Les répétitions qui nous sont apparues sont des anaphores : l’anaphore est un procédé classique de renforcement, de gradation, par la mise en série de même débuts de phrases, ou de membres de phrase. Ces gradations caractéristiques (« sur lui, sur eux, sur tous les hommes » ; « qu’ils s’en aillent, qu’ils débarrassent le continent, qu’ils les laissent ») correspondent littéralement à l’effet de progression du vent, en mettant en valeur les seuls obstacles (les seuls « reliefs ») sur lesquels s’acharne le vent : les humains et leur matériel.
    Nous « voyons » de mieux en mieux l’action du vent. Il est le grand acteur de ce texte.
    Et en effet, la syntaxe est ici révélatrice. Alors que cette phrase a pour sujet grammatical un homme (« il », au départ du texte), la longue subordonnée qui suit, et qui s’étage sur huit lignes, fait place à un autre sujet bien réel, le vent omniprésent :

    « ce vent qui ne cessait
            de s’appuyer
            de les pousser tous
                    pour qu’ils s’en aillent
                    (pour) qu’ils débarrassent
                    (pour) qu’ils les laissent seuls, lui et la glace,
                                    consommer… »

    Cette syntaxe n’est pas à observer du seul point de vue visuel. Plaçons-nous du point de vue auditif. Écoutons notre impression : elle consiste en un déroulement rythmique, qui apparaît assez bien dans le schéma ci-dessus. Les virgules y jouent un peu le rôle de pauses du vent, alors que les gradations miment la reprise incessante des rafales. On constate qu’il est quasi impossible de prononcer cette phrase, avec ses répétitions anaphoriques, sans éprouver vocalement une sensation d’essoufflement. Au contraire, les deux dernières lignes, prolongées par le point de suspension, semblent couler sans difficulté : c’est que le vent est victorieux, et que rien ne s’oppose plus à ses « monstrueuses noces » avec la glace.
    Tout n’est pas dit. Alors que cette évocation, jusqu’alors, nous donnait une impression de réalisme, l’irruption soudaine du thème des noces, en plein Antarctique, ne manque pas de nous surprendre. Devant nous s’ouvre le spectacle inhumain et paradoxal d’amours glaciales, entre le vent et la terre gelée. Le vent a été personnifié.
    Relisons le texte : cela apparaissait déjà lorsque l’auteur évoquait les « mains » du vent, « ses mains trempées dans le froid de l’enfer. » La personnification des éléments les rend souvent plus proches de nous, plus « humains » ; mais elle peut aussi, à l’inverse, les rendre d’autant plus inquiétants qu’ils semblent avoir des intentions : ils savent ce qu’ils font. C’est bien le cas ici : le vent est un être bizarre, qui se plaît dans l’enfer du froid, qui vit des noces glaciales, ce qui est effectivement monstrueux, aux antipodes de l’expérience normale des hommes (qui associent l’amour à la chaleur). La personnification, les oxymores (« froid de l’enfer », « noces surglacées »), ont ainsi tiré le texte du côté du fantastique (en accord d’ailleurs avec le thème général du roman), là où un lecteur pressé n’aurait reçu qu’une fugace impression réaliste.

    Ce va-et-vient entre la saisie des impressions et le regard sur le texte nous permet ainsi à la fois de mieux le comprendre et de mieux le ressentir. Nous cernons mieux le texte comme système à produire des effets. Cela suppose bien sûr une bonne connaissance de la plupart des moyens d’expression dont use un écrivain. Mais cela suppose aussi une habitude de lire les textes, et de les confronter avec le grand livre intérieur (d’expériences et de lectures) qui, peu à peu, s’édifie en nous-mêmes. Car une page ne prend son sens, sa portée, son originalité que par comparaison avec tous les autres textes qui constituent une culture. Aussi parle-t-on d’ailleurs de plus en plus d’intertextualité, — notion qui mériterait un petit article à elle seule. Cet article, nous le ferons, le cas échéant… s’il nous est demandé !

    © Bruno Hongre (2003)

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