• Bruno Hongre nous propose ici un remarquable article sur le comique. Après avoir rappelé quelques composantes du plaisir de rire, il évoque les niveaux du comique et les procédés qui font rire. Autant d’outils qui vous permettront de mieux appréhender les textes suscitant le sourire ou le rire.

     

    REMARQUES PRÉLIMINAIRES


    1) En général, autant l’on aime rire, autant l’on déteste s’expliquer les raisons de son rire. D’une part, parce que c’est un sujet extrêmement complexe, qu’aucune théorie ne parvient à élucider totalement (il y a toujours des rires qui échappent aux explications traditionnelles de l’hilarité). D’autre part, parce que le rieur n’a peut-être pas trop envie de regarder en face les satisfactions suspectes, ambiguës, qui nourrissent en profondeur son rire. Savoir pourquoi on rit pourrait nous rendre singulièrement graves. On se contente alors de la tautologie : « Pourquoi rit-on ? Parce que c’est drôle ! ».

    2) Dans l’approche de cette activité rythmique des muscles zygomatiques, typiquement humaine selon Rabelais, il est difficile de distinguer ce qui serait un rire naturel, spontané, qui naît au hasard des circonstances de la vie courante, du comique étudié, théâtral, que le public va chercher dans des spectacles produits pour le distraire. D’une part parce que la vie sociale la moins concertée, fertile en sujets d’amusement, est toujours une sorte de théâtre naturel où les uns (en position de public) rient à propos de ce que disent ou font les autres (en position de conteurs-amuseurs ou d’acteurs involontaires). D’autre part parce que, très tôt, nous « consommons » des divertissements amusants, lesquels nous apprennent à regarder le monde comme spectacle, et ainsi, à « reconnaître » dans certaines situations de la réalité un « comique » préalablement intériorisé comme catégorie « littéraire ». Alors qu’il s’agit là d’un attitude culturelle (raison pour laquelle on « rit » différemment selon les cultures), nous « gloussons » spontanément comme si les choses s’ingéniaient d’elles-mêmes à nous divertir, en oubliant que notre sens comique est le fruit de réflexes pré-construits. Aussi pourra-t-on illustrer cette notice aussi bien par des exemples empruntés aux spectacles (sketches, théâtre) que par des situations couramment observées.

    3) L’éternelle interrogation « pourquoi rit-on ? » peut donner lieu à deux recherches complémentaires Qu’est-ce qui produit l’hilarité des publics (niveaux de comique et procédés « qui font rire ») ? En quoi consiste le « plaisir » ainsi déclenché (nature de cette euphorie, besoins plus ou moins conscients qu’elle « satisfait ») ? Nous allons tenter d’apporter quelques éléments de réponse en nous inspirant (très librement) de trois livres : Le Rire de H. Bergson, Le Mot d’esprit et ses rapports avec l’Inconscient de S. Freud, et Psychocritique du genre comique de Ch. Mauron. Commençons par la seconde question, celle du « plaisir » qui habite le rire : en analysant ses composantes, nous serons à même de mieux comprendre les diverses formes que prend le comique, et les processus susceptibles de le déclencher.



    QUELQUES COMPOSANTES DU PLAISIR DE RIRE

    Sachant que tout se mêle dans le rire, on peut néanmoins tenter de distinguer :

    1) Un plaisir « spirituel », ou intellectuel. C’est d’abord l’intelligence en effet qui s’amuse, à tort ou à raison, à percevoir des contradictions, des « absurdités », des « non sens » qui ont tout de même du sens, des glissements ou des confusions sémantiques, etc. Cela apparaît dans toutes les sortes de « jeux de mots », qu’on en soit le manipulateur ou l’auditeur. Révélateurs sont à cet égard les sketches de Raymond Devos (cf. « Caen », « La mer démontée », « Le Plaisir des sens », etc.). Le plaisir est bien ici dans cette jonglerie de l’acteur avec les mots et leurs sens, qu’elle soit ou non raffinée. Mais si l’intelligence est nécessaire à saisir ce jeu, elle n’explique pas à elle seule le plaisir qu’on y prend. Cette étrange « euphorie » qui naît du jeu de mots a pu être interprétée comme une revanche sur l’ordre du langage, ordre qui nous est imposé par un sévère apprentissage, et que nous avons soudain le droit de transgresser le temps d’une histoire drôle ou d’une réplique théâtrale… Plaisir du non-sens, qui échappe provisoirement à la censure de la Raison et donne lieu à des emballements absurdes. Plaisir de constater que le code du langage a de nombreuses failles, qu’on peut truquer avec celles-ci, que les mots peuvent être déformés, manipulés, au point de signifier à la fois les choses et leur contraire. Plaisir de replonger dans l’univers magique de l’enfant, où n’importe quel son peut engendrer n’importe quel sens…

    2) Un plaisir plus spécifiquement « comique » , dans lequel la part émotionnelle l’emporte sur la part intellectuelle, donnant alors lieu à ces fameux « éclats » de rire qui se déploient en spasmes débridés. Cette dimension apparaît clairement lorsqu’on observe, en position de spectateurs hilares, des situations qui sont angoissantes pour les personnes ou les personnages qui les vivent. Selon Freud, cela peut s’expliquer par une sorte de « décharge » d’énergie d’angoisse inutilisée, dont nous pouvons saisir le mécanisme en prenant l’exemple d’un des plus fameux sketches de Raymond Devos : « Le Plaisir des sens ».
    En voici l’argument : un automobiliste pénètre sur un rond-point, et au moment où il tente d’en sortir, s’aperçoit que toutes les rues sont en sens interdit. Situation cauchemardesque, à laquelle le spectateur s’identifie d’autant plus facilement qu’il a l’expérience de la conduite en ville. Notre automobiliste demande alors à un policier ce qu’il doit faire, et celui-ci lui répond : « Tourner avec les autres ». C’est alors que le rire du public jaillit franchement. Tout en percevant l’absurdité et le caractère stressant de cette ronde kafkaïenne, chacun se rend compte qu’elle n’est pas réellement pour lui. Le processus qui déclenche le rire est alors le suivant :
    - dans un premier temps, le spectateur s’identifie au personnage et partage momentanément son « angoisse » ou sa colère, ce qui mobilise en son for intérieur une certaine énergie psychique ;
    - dans un second temps, prenant conscience que cette situation « impossible » n’est qu’une fiction pour lui, le spectateur se distancie soudain du personnage, et son « énergie d’angoisse » un instant mobilisée (par le fait de s’identifier) se libère en un grand rire de soulagement. C’est l’euphorie après l’accablement. Et cette soudaine euphorie, cette sensation d’apesanteur, nous apparaît vraiment comme une caractéristique majeure du plaisir comique.
    Mais revenons à notre sketch. On sait qu’il se poursuit et s’amplifie alors selon une logique parfaitement absurde : il est interdit de s’évader du rond-point ; tout le monde doit tourner ; la police fait sa ronde, en sens inverse ; le laitier (dont le beurre « tourne »), l’ambulancier (dont le malade décède), le convoi funéraire, et bientôt toute la cité, tout se trouve embarqué dans la ronde infernale. Par convention, le public continue d’adhérer à l’histoire, à « croire » par intervalles à l’évocation de cet univers kafkaïen (et le jeu de l’acteur Devos, incarnant l’angoisse du personnage, est ici fondamental), mais en même temps, il ne cesse de se dés-identifier à chaque nouveau détail insolite (et donc « désopilant ») qui affole l’automobiliste. Jusqu’à la fin de ce sketch, parfaitement rythmé par son auteur, il y a ainsi reprise et relâche d’angoisse dans le public, le tout se résolvant en salves de rires…
    Ce processus n’est pas incompatible avec la définition de Bergson, qui établit que nous rions chaque fois que nous percevons « du mécanique plaqué sur du vivant ». En effet, l’aspect mécanique qui entraîne tout à coup la vie de la ville — le vivant— (grossissement des effets, amplification des conséquences d’un postulat insensé, etc.) est précisément ce qui conduit le spectateur à se distancier de la situation. Percevant du vivant, il s’identifie ; percevant le mécanique, il rompt son processus d’identification : il y a bien une chaîne de reprises et relâches d’angoisse.
    Il est vrai que Bergson ajoute à l’interprétation freudienne un autre élément : s’il y a quelque chose de « mécanique » qui nous fait rire d’un personnage vivant, cela provient souvent de l’inadaptation de celui-ci à telle ou telle situation. Le plaisir comique s’alimente alors à notre sensation de supériorité sur celui dont on rit (celui que l’on juge « ridicule »), comme on le verra ci-dessous dans l’évocation du « plaisir critique ».
    Mais cet élément n’est pas non plus sans lien avec ce qui se meut au fond de notre inconscient. Car cette fréquente inadaptation au monde, génératrice d’angoisses, nous l’avons tous vécue lors de nos premiers apprentissages : voir un personnage inadapté peut ainsi, l’espace d’une seconde, mobiliser notre apitoiement et, la seconde qui suit, déclencher notre rire par libération de cette « énergie » d’angoisse brièvement réveillée. Et jouir alors d’un sentiment de supériorité, c’est souvent prendre sa revanche contre des affects anciens, - rappels semi-conscients de situations archaïques où nous étions en douloureuse position d’infériorité... On voit que l’euphorie du rieur peut avoir de multiples racines.

    3) Un plaisir critique (ou revanchard, ou sadique, ou satirique). Dans sa Psychocritique du genre comique, Charles Mauron analyse le plaisir du spectateur qui rit aux malheurs d’Arnolphe dans l’Ecole des femmes en l’interprétant comme une compensation aux souffrances oedipiennes de tout enfant ! Qu’est-ce à dire ?
    Dans le traditionnel triangle oedipien, le tout jeune (notamment le petit garçon) se voit dépossédé de l’objet aimé (la jeune femme, sa mère) par le « vieux » (le père, qui affirme son droit sur son épouse). C’est une terrible frustration, mêlée de peur et de culpabilité, dont le jeune homme gardera longtemps la trace dans son Inconscient.
    Dans la pièce de Molière, l’Ecole des Femmes, c’est à l’inverse le jeune homme (Horace) qui dépossède le Barbon (Arnolphe) de l’objet aimé que celui-ci prétendait se réserver (Agnès).
    Dès lors, le rire que suscite l’attitude d’Arnolphe ne s’explique pas seulement par l’énormité de ses colères ou de ses ridicules de vieillard berné ; ce rire s’accompagne d’une sensation de revanche inconsciente sur une situation que nous avons antérieurement tous plus ou moins vécue. Le succès d’Horace et l’allégresse qui en résulte correspondent au renversement triomphal d’une situation angoissante. À travers lui, c’est à notre tour de ravir l’objet aimé et d’en frustrer le « Vieux » qui nous l’interdisait. Nous revivons donc notre « complexe d’Œdipe », mais en vainqueurs cette fois, et ce délire est un triomphe ! Notre rire se nourrit d’une vengeance fantasmatique, plaisir étonnant, inattendu, mais d’autant plus vif que nous en ignorons le réel motif…
    On peut généraliser cette composante du rire. Nous jubilons chaque fois qu’il nous est possible de nier — fictivement — le fameux « principe de réalité » dont nous avons dû cruellement subir la loi dans notre passé d’enfants, au fil de toutes les frustrations qu’implique l’apprentissage de la vie. Dans d’innombrables scènes comiques, nous rions ainsi d’une autorité ou d’un pouvoir établi, par la grâce d’un renversement triomphal, mais provisoire, de situations où nous avons dû nous soumettre jusqu’à l’humiliation. À chaque fois, la revanche que nous prenons semble proportionnelle à l’importance sociale de ce pouvoir. Supposons par exemple qu’un ami bien aimé se casse la figure en glissant sur une peau de banane : malgré le caractère mécanique de sa chute, nous rirons modérément. Mais s’il s’agit d’un chef de service, ou de notre prof de français, figures d’autorité, nous aurons du mal à réfréner notre éclat de rire. Et s’il s’agit d’un ministre ou d’un président, alors, nous nous amuserons très fort. Dans chaque cas, le personnage dont nous rions incarne le Surmoi, la Loi à laquelle nous avons dû obéir au cours de notre éducation : et son ridicule soudain nous permet de prendre notre revanche, le temps d’un délire à peine conscient.

    Mais notre « Inconscient » n’est pas simplement constitué de frustrations appelant des revanches. Il est aussi traversé de pulsions carrément sadiques. C’est-à-dire qu’il y a un certain plaisir inavoué à faire mal, à faire souffrir, à réduire autrui à l’état de girouette que l’on manie. La formule de Bergson, qui explique le rire par du « mécanique plaqué sur le vivant », va au-delà de la simple perception par l’intelligence d’automatismes ou de conduites inadaptées : elle implique, on l’a vu, l’existence d’une forme de jouissance à réduire autrui à l’état de chose ou d’instrument. Plaisir de supériorité du spectateur, rire qui « châtie » les inadaptés sociaux, euphorie d’un public qui exprime son pouvoir collectif en riant des malheurs ou des conduites non conformes de quelques-uns. Fernand Raynaud déclarait : « Il faut se diminuer pour faire rire » ; il lui suffisait alors d’incarner un personnage ridicule pour attirer sur lui le rire (méprisant) du public inconsciemment sadique. En général, l’acteur qui « fait l’idiot », pour amuser, flatte plus ou moins sciemment ce sadisme social. Quand on dit que « le ridicule tue », on confirme que le rire est une arme qui peut servir la haine. Idem quand, dans un groupe, on essaie de « mettre les rieurs de son côté » : c’est pour récupérer le pouvoir du groupe à son profit (et au détriment de son adversaire).

    On voit ainsi que le « plaisir critique », qui souvent décuple le rire, n’est pas seulement l’expression d’une revanche bien compréhensible de la part d’un rieur qui se souvient vaguement avoir été frustré : il peut être l’expression d’un sadisme collectif qui renforce les préjugés du groupe, le pouvoir des castes, ou les hiérarchies sociales. C’est dans cette perspective, mais en l’inversant, qu’il faut resituer le plaisir satirique propre aux comédies de mœurs, à la littérature polémique, aux sketches politiques, etc. Il s’agit très souvent, de la part d’un auteur qui ironise ou qui fait rire, d’une réponse personnelle à l’oppression du groupe. Oppression qui peut prendre la forme d’une mode passagère (cf. Les Précieuses ridicules), d’un ordre hypocrite (la caste des faux dévots dans Tartuffe), d’un pouvoir socioéconomique (les hommes d’affaires dans le Topaze de Pagnol). Oppression que fustige l’œuvre littéraire pour nous libérer, et qu’illustre la formule célèbre : « Castigat ridendo mores » (« il — l’auteur — châtie les mœurs par le rire »).
    Ainsi, autant on peut s’alarmer des ambiguïtés du rire sadique (il peut en effet nourrir toutes les formes d’ostracisme, tous les préjugés de classes dans une société donnée), autant on peut comprendre et participer au rire satirique en ce qu’il dénonce la bêtise, ou l’oppression, ou l’injustice, comme c’est le cas dans les meilleures comédies. Mais il demeure vrai que les limites sont parfois difficiles à distinguer, notamment lorsque les auteurs pratiquent ce qu’on appelle le « second degré » (par exemple, un sketch met en scène un raciste caricatural ; l’auteur lui prête évidemment des propos hyper-racistes ; mais voici que le public, lui-même pétri de préjugés, se met à applaudir ces propos qu’il prend au premier degré !!! Comment s’y retrouver ?).

    4) Un plaisir mimétique. « Plus on est de fous, dit le proverbe, plus on rit. » Effectivement, le rire est contagieux : plus la foule est nombreuse, plus les éclats de rire s’enflent. Ce phénomène a donné lieu à une fâcheuse pratique des médias : les rires pré-enregistrés, qui donnent au spectateur isolé le sentiment de participer à une émotion collective, et du même coup, l’entraînent à rire sans qu’il comprenne pourquoi (ce qui peut faire du rire le triomphe de l’abêtissement autant qu’il peut être, par ailleurs, l’expression de l’intelligence…). Et de fait, dans un groupe, il est mal vu de ne pas s’associer à l’euphorie collective : celui qui s’isole ou « ne trouve pas cela drôle » est taxé de « rabat-joie » ; et cependant, après coup, c’est soi-même que chacun peut trouver ridicule lorsqu’il considère les motifs de son hilarité…
    Rire permet de se souder aux autres ; se sentir soudé aux autres permet de rire. Telle est la satisfaction mimétique. Elle explique le caractère contagieux du rire. La part d’inconscient qui alimente le rire suppose en effet qu’on oublie sa « raison » et les censures qui lui sont liées : il est plus facile de faire en groupe ce qu’on ne ferait pas seul, lorsqu’on conserve sa conscience critique. La phrase « plus on est de fous, plus on rit » peut ainsi être lue à l’envers : « plus on rit, plus on peut se permettre d’être fous ensemble », c’est-à-dire : plus on peut se permettre de régresser collectivement dans des émotions infantiles. Et ce plaisir mimétique n’est pas sans rappeler la notion de « saturnales », lorsque le public en vient à rire de ce même ordre social qu’il respecte par ailleurs...

    Il y a donc quelque chose de l’ordre du défoulement collectif, plus ou moins hystérique et plus ou moins abêtissant dans le plaisir du rire, — quand bien même notre intellect et notre culture du comique ont été, au départ, absolument nécessaires au déclenchement de l’hilarité. Ce qui confirme cette conclusion, c’est le « remords » d’avoir ri qu’on éprouve parfois, lorsqu’on vient de rire largement du malheur ou du ridicule d’autrui, en s’étant laissé entraîner par le groupe. Musset ne disait-il pas, à la suite d’une représentation du Misanthrope et de la « mâle gaieté » que répandent les grands textes de Molière, que « Lorsqu’on vient d’en rire, on devrait en pleurer »…


    LES NIVEAUX DE COMIQUE

    Les composantes du « plaisir de rire » que nous venons de dissocier se mêlent le plus souvent dans les spectacles qui nous « amusent ». Lorsqu’il s’agit de théâtre, on distingue classiquement cinq niveaux de comique, des plus grossiers aux plus subtils. Cette différenciation des formes du comique permettra, simultanément, de hiérarchiser les significations plus ou moins profondes que les auteurs dramatiques donnent à leurs pièces.


    1) Le comique de gestes

    Du coup de pied au derrière à la chute malencontreuse, des mimiques faciales aux gesticulations, c’est là une forme de comique élémentaire qu’aucun grand auteur n’a méprisée (Molière, Beaumarchais, Charlie Chaplin, etc.). Les effets de décor, la manipulation d’objets (voir l’usage qu’en font les clowns), les didascalies parfois très détaillées qui font de l’auteur le premier metteur en scène de son théâtre, tout est à repérer et commenter. L’invention de « gags » se retrouve naturellement dans de nombreux films comiques, de Jacques Tati ou de Louis de Funès par exemple.


    2) Le comique de mots

    Il comprend bien entendu les jeux de mots et tout ce qui est de l’ordre de l’inflation verbale (cf. l’histoire du rhume dans La Cantatrice chauve de Ionesco), mais aussi les mots d’auteur et les répliques ciselées que l’on peut souvent détacher de leur contexte (cf. le docteur Knock déclarant « Tout homme en bonne santé est un malade qui s’ignore. »). Cependant, le plus souvent, les meilleures répliques tirent leur saveur de la situation où elles sont prononcées, par des personnages souvent inconscients du comique de leurs phrases, comme Géronte s’écriant dans Les Fourberies de Scapin : « Mais que diable allait-il faire dans cette galère ?! »


    3) Le comique de situation

    Ce dernier découle des péripéties de l’intrigue. L’auteur s’ingénie à placer ses personnages dans des circonstances imprévues, généralement embarrassantes. Il en résulte des malentendus, des quiproquos, des rencontres fâcheuses (situation classique des comédies de boulevard : le mari surprend son épouse dans les bras de son amant), d’où des engrenages délirants comme sait en composer Feydeau.


    4) Le comique de mœurs

    Il s’agit cette fois de faire rire les spectateurs devant le tableau caricatural d’un milieu social, d’une profession, des mœurs dites modernes, etc. C’est le cas notamment chez Molière, avec sa galerie de « Précieuses » (ridicules), de médecins (infatués de leur savoir), de « bourgeois » (qui se veulent gentilshommes) ou de ses pédants burlesques (type Vadius ou Trissotin). Le comique de mœurs peut être :
    - tantôt purement « comique » : l’auteur caricature les tendances de son époque, les manières de vivre, de parler ou de penser à la mode, en grossissant le plus souvent les traits de ses personnages ;
    - tantôt (ou simultanément) « satirique » : l’auteur attaque directement les vices de son siècle (l’hypocrisie religieuse, la corruption financière, les préjugés sociaux) ; le rire franc fait alors place à l’ironie incisive, aux mots ou aux tirades féroces, qui peuvent parfois viser des contemporains précis.


    5) Le comique de caractère

    Cette fois, le rire porte sur la psychologie, sur les contradictions ou les faiblesses de la nature humaine, sur les grands « types » humains. Le dramaturge peint par exemple l’avarice, la vanité, la colère, le snobisme, en faisant rire du comportement rigide ou obsessionnel des personnages atteints de ces vices. Notons qu’ici, ce n’est pas forcément le caractère lui-même des personnages, qui nous amuse : on rira plutôt des inadaptations qui en découlent, des effets de contrastes qui peuvent en résulter, etc. Ainsi, le « Misanthrope » de Molière ne devient risible que parce que, tout en déclarant haïr le genre humain (ce qui n’est guère drôle), il prétend malgré tout se faire aimer d’une jeune coquette dont il est amoureux. De même, Don Juan ne fait pas rire par lui-même (il est trop démoniaque pour cela) : mais l’opposition de son personnage au valet bavard qu’est Sganarelle, la paire pittoresque qu’ils forment tous deux, font de leurs échanges et de leur relation un duo comique.


    6) Le comique de « l’irréel » ?

    A ces cinq traditionnels niveaux de comique, qui souvent se mêlent dans une même scène, nous serions tenté d’en ajouter un autre qu’on pourrait définir comme le comique de l’absurde ou de l’irréel. Une pièce de Ionesco comme La Cantatrice chauve, par exemple, où se trouve naturellement du comique de mots ou de situation, nous fait rire en développant des scènes anormales, aberrantes, délirantes, – qui ne sont d’ailleurs souvent qu’un grossissement caricatural des incohérences du monde social ; l’auteur parodie ou inverse les stéréotypes du langage et des conventions quotidiennes, il déstabilise les habitudes de pensée que nous croyons les plus naturelles, et nous fait alors prendre conscience de l’absurdité des normes qui gouvernent nos vies. De nombreux sketches modernes, dont ceux de Raymond Devos, s’inscrivent dans cette veine : ils nous révèlent l’irréalité du réel, en faisant ressortir par un certain nombre de procédés (fort classiques) les logiques délirantes qui sous-tendent la réalité la plus banale.



    LES PROCEDES QUI FONT RIRE

    Une chose est de différencier les niveaux de comique, une autre est de repérer comment, dans quelque type de rire que ce soit, l’auteur s’y prend pour faire rire. Les contenus des situations ou des réalités qui nous amusent sont souvent graves, on l’a vu ; les motivations profondes qui se manifestent dans le rire s’alimentent à nos angoisses ou à de troubles pulsions : comment donc déclencher le rire à propos de ce qui pourrait tout aussi bien engendrer de la tristesse ou de la colère ? Voici donc quelques procédés classiques, parmi les plus fréquents.


    Le grossissement du trait

    C’est le principe premier de toute caricature. Le trait doit à la fois être ressemblant et exagéré. Notre plaisir est de reconnaître l’exactitude du croquis dans ce qui est pourtant une incroyable déformation , et vice-versa. Plaisir de reconnaître, plaisir aussi de mesurer l’écart entre le portrait et le modèle (il ne faut pas que cela soit « trop gros », ou alors, il faut que ce soit pris au « second degré », etc.). Ainsi pourrons-nous rire du caractère épouvantablement égoïste et entêté d’Orgon, lorsque celui-ci affirme :
    Et je verrais mourir frère, enfants, mère et femme
    Que je m’en soucierais autant que de cela.



    Les répétitions

    Comme les anaphores en poésie, les répétitions produisent un effet d’amplification du jeu (du motif comique, de la raideur d’un personnage, de la « logique » de l’absurde), et donc, provoquent un rire croissant du public, « qui n’en peut plus ». C’est le cas de répliques comme le « Sans dot ! » de l’Avare, ou le « Y a pas de doutes, il s’en sert ! » du sketch « J’ai des doutes » de Raymond Devos.


    Le contraste, l’opposition

    D’une part, la mise en contradiction d’un personnage avec lui-même ou avec un autre, produit des effets de symétrie plaisants ; d’autre part, dans une même scène ou d’une scène à l’autre, nous pouvons avoir des ruptures brutales ou des inversions inattendues. Par exemple, dans Les Femmes savantes, Vadius et Trissotin ne cessent de s’entre-flatter excessivement, puis l’un d’eux ayant critiqué le poème de l’autre, se livrent à une série d’injures de plus en plus grossières. Le thème de l’arroseur arrosé (un personnage est victime du stratagème même qu’il a mis au point pour piéger les autres), les contradictions entre ce qu’un personnage dit et ce qu’il fait (les défis grandiloquents et les lâchetés réelles de Matamore dans L’Illusion comique de Corneille), les renversements de situation sont une source inépuisable de rires fondés sur l’opposition.


    La parodie, la satire, le pastiche

    Ces procédés, le plus souvent liés au comique de mœurs, ont ceci d’original qu’on ne peut les comprendre que si l’on connaît les réalités originelles (situations, scènes historiques, œuvres, phrases, etc.) qui sont imitées/décalées/déformées, — contrairement aux trois procédés que nous venons d’exposer, dont la saisie se fait directement. Cependant, la parodie et le pastiche usent des mêmes techniques : exagération de stéréotypes, inversions du réel, transpositions ou déformations plus ou moins subtiles qui font prendre une distance ironique vis-à-vis des modèles imités, et naturellement, recours aux figures de style les plus efficaces (l’antithèse, le chiasme par exemple). Comme exemple de pastiche, on peut citer cette formule à propos du tiers-monde : L’homme est une louve pour l’homme, formule qui, en parodiant le fameux Homo homini lupus, laisse entendre que l’Occident continue d’exploiter férocement les pays pauvres qu’il affecte d’aider.


    Le monde renversé

    Au-delà des mécanismes que nous venons de rappeler, ce procédé opère l’inversion systématique de tout ce qui semble ordinaire et normal, produisant ce « comique de l’irréel » évoqué ci-dessus, qui peut déclencher aussitôt la joie infantile d’échapper aux rigueurs du monde tel qu’il est, ou le rire satirique face à une situation absurde plus vraie que le vrai…


    Tous ces procédés, notons-le en conclusion, obéissent parfaitement à la loi décrite par Henri Bergson, selon laquelle nous rions chaque fois que nous percevons « du mécanique plaqué sur du vivant ». On peut renvoyer ici à la lecture de son ouvrage (Le Rire), qui fourmille d’exemples de répétitions, ruptures, inversions, quiproquos, raideurs, inadaptations, symétries, engrenages, amplifications, etc.


    Bruno Hongre ©2004


                                                                            Illustration : Emilio Danero

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    Emilio DaneroL'intertextualité

    L’intertectualité nous permet de découvrir une oeuvre littéraire dans tout son foisonnement culturel.
    Bruno Hongre nous fait comprendre, grâce à l’étude de ce concept, qu’une oeuvre n’est jamais autonome. Elle est en effet influencée par des oeuvres antérieures. Tout texte est à mettre en relation avec d’autres textes ou avec la culture environnante dans lesquels, consciemment ou inconsciemment, l’auteur va chercher une partie de son inspiration.


    Le constat

    Un texte n’existe jamais tout seul.
    D’une part, il fait le plus souvent partie d’un livre (recueil, discours, roman, pièce de théâtre, etc.), c’est-à-dire d’un ensemble d’autres textes qui entrent en résonance avec lui, et contribuent à lui donner son sens : par exemple, un poème de Victor Hugo, d’abord écrit pour lui-même, puis placé selon un certain ordre dans Les Contemplations, prendra de ce fait même une signification qui n’apparaissait pas dans le texte pris isolément.
    D’autre part, un texte est souvent pétri de références culturelles plus ou moins conscientes (citations, imitations ou transpositions, pastiches, parodies, allusions, réminiscences) qui sont autant de traces plus ou moins littérales issues d’autres livres ou d’autres époques. Ainsi, les écrivains dits classiques imitaient d’une façon délibérée les « Anciens », c’est-à-dire les auteurs de l’Antiquité grecque et latine : ils leur empruntaient la matière de leurs œuvres, des thèmes poétiques ou dramatiques, des fables, des mythes, des réflexions, etc., jusqu’à reprendre leurs formules mêmes (ainsi, la fameuse réplique de Phèdre, « C’est toi qui l’as nommé. », au vers 264, est déjà chez Euripide1). L’étude savante des « sources » d’une œuvre montre à quel point la part d’éléments empruntés est la règle et la part de création originale l’exception. Mais ce que les classiques faisaient délibérément, la plupart des écrivains le font spontanément, influencés qu’ils sont par leurs lectures, par le contexte culturel auquel ils appartiennent, par les codes littéraires venus de leurs prédécesseurs, etc. Bien entendu, dans cette place prise, au sein d’un texte donné, par les éléments textuels ou thématiques (formulations, motifs, mythes, symboles, archétypes, etc.) venus d’ailleurs, les grandes traditions culturelles de notre civilisation se taillent la part du lion : l’héritage gréco-romain et l’héritage judéo-chrétien en particulier. Par exemple, on ne peut comprendre le titre du récit de Camus La Chute, sans se référer à la Genèse, pas plus d’ailleurs qu’une simple phrase comme celle de Proust : « Les vrais paradis sont ceux qu’on a perdus. »
    D’où une première définition : au sens strict, l’intertextualité recouvre l’ensemble des traces laissées dans un texte donné par un ou plusieurs textes antérieurs (parfois contemporains), et l’étude des relations qu’on peut observer entre ce texte et ceux auxquels il fait écho (citation, imitation consciente, réminiscence ; reprise plus moins transformée ; référence critique ; opposition radicale, etc.). Car il ne suffit pas de découvrir ce que reprend un auteur : l’intérêt, c’est de montrer ce qu’il fait des éléments qu’il reprend.



    La complexité de la notion

    Si l’on considère un texte à ces trois niveaux que représentent son écriture, sa structure et sa thématique, on peut trouver à la notion d’intertextualité une extension quasi sans limites :

    • Du côté du style et de l’écriture, les tournures (souvent académiques), les expressions choisies (parmi toutes celles dont la littérature a enrichi notre langue), les références littérales ou proverbiales sont extrêmement nombreuses2. C’est à celles-ci, le plus souvent explicites, que l’on pense d’abord lorsqu’on parle d’intertextualité. Mais les mots eux-mêmes dont use innocemment le moindre écrivain sont déjà chargés des connotations que d’autres ont pu y mettre, ses contemporains ou ses prédécesseurs3. Par exemple, il m’est impossible d’employer après Pascal le terme « divertissement », ou après Baudelaire le mot « spleen », sans que mon texte personnel soit imprégné de la « marque » qu’ont ajoutée ces deux auteurs à chacun de ces termes. Même si je n’ai pas lu Pascal, même si j’ignore Baudelaire ! Un lecteur plus cultivé que moi, en lisant mon énoncé, redonnera à celui-ci la richesse originelle dont sont chargés ces mots. Et, très généralement, chaque fois que nous lisons un texte du passé, nous le « transformons » en prêtant à ses expressions des significations ou des nuances qu’elles ont acquises depuis, et auxquelles l’auteur ne pouvait pas songer : son texte se trouve alors modifié, enrichi (voire trahi) — rétroactivement — par l’effet des textes postérieurs qui ont fait évoluer le vocabulaire… Le résultat, c’est qu’en lisant le plus naturellement du monde, nous faisons de l’intertextualité sans le savoir !

    • Du côté des structures d’un texte, il en est de même. Si je me sers du code romanesque élaboré par tous les auteurs qui ont raconté quelque chose depuis que la littérature existe, si j’utilise les ressources de la rhétorique développées par tous les orateurs dont les discours sont parvenus jusqu’à nous, je vais imiter des formes ou retrouver des procédés mis au point avant moi et qui vont rendre ma page efficace. Les textes que j’ai en mémoire, et qui ont en quelque sorte « formaté » mon esprit, sont donc au travail en moi au moment même où j’écris. Idem, en ce qui concerne les différents genres ou codes poétiques : le choix du sonnet, l'usage de l'alexandrin contribuent largement à prédéterminer les effets d'un poème (le sonnet classique est construit en fonction de sa « chute » — cet « effet de sens » final ; le rythme de l'alexandrin facilite et impose à la fois la mise en valeur de certains mots nécessairement accentués, etc.). Ainsi, au niveau des structures, l’intertextualité est reine : tout texte est secrètement influencé, que l’auteur le veuille ou non, par la forme historique dans laquelle il se coule. Et, comme précédemment, le lecteur, nourri des ouvrages contemporains, va nécessairement lire les œuvres du passé en fonction de sa nouvelle culture, s’étonner que des livres anciens soient, par leur forme, « étonnamment modernes », etc. Par exemple, on peut lire les « utopies » du passé à la lumière de notre lecture des livres de science-fiction, ce qui peut leur redonner un intérêt inattendu.

    • Enfin, concernant la thématique d’un texte, du moindre extrait à l’œuvre globale, elle est elle-même en relation avec l’ensemble des thèmes plus ou moins proches (ou même parfaitement opposés) qui ont déjà pu être traités dans la littérature qui précède. Par exemple, si j’écris un texte pacifiste, je puis être influencé par tel article de l’ Encyclopédie sur la guerre ; si je n’ai pas lu cet article, je peux être influencé par d’autres auteurs qui l’ont lu ; plus généralement, je peux être imprégné de la culture diffuse que les écrivains des Lumières ont répandue sur ce sujet, et mon discours s’en ressentira que je le veuille ou non. Il ne sera donc pas illégitime, pour un lecteur qui veut commenter ce texte, de faire référence aux idées qu’il a trouvées dans l’Encyclopédie, et qui ne sont pas sans rapport avec ce que j’ai écrit moi-même, quoique n’ayant jamais lu le fameux article. On voit donc que la notion d’intertextualité va permettre à un lecteur ou à un critique de mettre en rapport des textes qui n’ont jamais été objectivement en relation directe. Et même, pour éclairer ou commenter une page produite à un date précise, de procéder à des comparaisons avec des textes écrits ultérieurement !


    Mais au cours de ces quelques remarques, nous sommes passés insensiblement de la genèse du texte (ses rapports avec les textes précédents ou contemporains qui l’ont nourri) à la question de sa lecture (ce que la connaissance d’autres textes, publiés plus tard, permet d’y lire, d’y projeter, d’y comprendre, etc., — indépendamment bien sûr de ce qu’a voulu faire l’auteur). Cela va nous permettre de compléter notre définition de l’intertextualité. En nous plaçant à ce second point de vue, nous pourrons donc ajouter cette précision de taille : l’intertextualité, c’est aussi l’ensemble des relations — et leur étude éventuelle — que peut entretenir un texte donné avec toutes sortes d’autres textes (y compris postérieurs) dont on le rapproche pour mieux le comprendre, le ressentir ou l’interpréter (ce qui suppose, bien sûr, que l’on justifie les rapprochements que l’on opère). Notons que si l’on voulait distinguer les deux significations du mot, on pourrait choisir de nommer la première « contextualité », et préférer pour la seconde l’expression « lecture intertextuelle ». Mais globalement, il s’agit bien d’un seul et même concept. Et c’est le lieu ici de citer l’excellente définition qu’en donne le « Petit Larousse » (éd. 2003), qui couvre justement les deux aspects que nous venons d’explorer : « Intertextualité : Ensemble des relations qu’un texte, et notamment un texte littéraire, entretient avec un autre ou avec d’autres, tant au plan de sa création (par la citation, le plagiat, l’allusion, le pastiche, etc.), qu’au plan de sa lecture et de sa compréhension, par les rapprochements qu’opère le lecteur. »

    Ainsi, l’intertextualité, ce n’est pas seulement le fait pour l’auteur d’inscrire des éléments issus de sa culture dans ce qu’il écrit ; c’est aussi le fait, pour le lecteur, d’introduire ou projeter dans le texte même qu’il croit seulement décrypter, des éléments inscrits en lui par ses autres lectures. Chacun, dans sa relation au texte, investit en quelque sorte son « capital textuel » et sa capacité d’analyse. D’où au moins deux conséquences :

    1) Personne ne lit jamais exactement le même texte : chacun projette et interprète, découvrant donc et décodant à sa manière — singulière et unique — les significations que l’auteur a « encodées » dans son « message ». Un contemporain de Pascal ou de Racine ne pouvait pas percevoir les Pensées ou Phèdre comme nous recevons nous-mêmes ces textes, et réciproquement. Lors même que nous relisons un même texte, ce n’est déjà plus la même lecture que nous en faisons. Non pas seulement parce qu’a changé notre expérience des choses auxquelles renvoient les mots. Mais parce que, au fil du temps, avec l’évolution conjointe de notre culture et de la langue qui la traduit, notre mode de lecture s’est déjà modifié. L’auteur lui-même qui se relit, quelques années après (et parfois plus tôt), ne perçoit plus son texte exactement comme il avait eu conscience de l’écrire : il y repère des intuitions dont il n’avait pas conscience en écrivant, il y observe des logiques nouvelles, il y constate les retentissements que l’époque a pu avoir sur lui à son insu… Il découvre qu’il n’a été que partiellement « l’auteur » de ce qu’il a écrit. On est traversé par l’écriture, on n’en est pas la source.

    2) L’acte de lire n’est jamais l’absorption naïve — au premier degré — d’un contenu donné, dans un récipient vide que serait l’esprit du lecteur. Il y a toujours une interaction entre ce que nous propose le texte et ce que notre « capital textuel » va nous permettre d’en retirer (en le triant, en l’interprétant, en le « recréant » à l’aide de notre imaginaire, bref en le faisant « exister » originalement dans notre conscience). Bien loin d’absorber passivement, le lecteur filtre, réagit, examine, joue avec le texte : dès sa première lecture, il lit « au second degré ». Compte-tenu de la somme de savoirs qui est en nous, à la suite de tout ce que nous avons appris et lu par ailleurs (sans parler de ce que nous avons vécu), la lecture la plus spontanée d’un texte nouveau est toujours intertextuelle, toujours plus ou moins « critique ». Or, ces savoirs qui sont en nous ne se limitent pas à la littérature : ils recouvrent tout ce qu’on nomme « culture », tout ce qui forme l’imaginaire humain, tout ce qui nourrit nos capacités d’examen critique (connaissances historiques, sciences humaines, etc.). Ainsi, sur un texte donné, la lecture intertextuelle peut consister en une lecture informée par la psychanalyse, la sociologie, etc. L’exemple du mythe d’Œdipe est éloquent à ce sujet. On sait que Freud en a tiré le concept n°1 de sa théorie, le « complexe d’Œdipe ». Si on connaît un peu la psychanalyse, on va donc pouvoir lire la pièce de Sophocle Oedipe-Roi de façon totalement nouvelle par rapport à la lecture qui a pu en être faite jusqu’au XXe siècle. Idem pour Electre de Sophocle, idem pour le Hamlet de Shakespeare, idem pour Les Gommes d’Alain Robbe-Grillet, idem pour bien d’autres œuvres, dont la cohérence interne se trouve considérablement enrichie par une « lecture oedipienne », si l’on parvient bien sûr à trouver dans les textes suffisamment d’indices autorisant cette « lecture ».

    3) Les perspectives précédentes ne signifient pas qu’on puisse lire et faire dire à un livre ou à un extrait n’importe quoi. Quels que soient notre abord du texte, notre « horizon d’attente » et nos hypothèses de lecture, il faut bien sûr que ce que nous croyons y reconnaître y soit présent, c’est à dire « lisible », (même si l’auteur n’en a pas eu conscience), et puisse être étayé par des faits ou par des repérages précis ; il faut surtout qu’aucun élément objectif du texte (structures, langue, thèmes, etc.) ne vienne contredire l’interprétation proposée. En règle générale, on constate que les grands textes de la littérature sont particulièrement concernés par la notion d’intertextualité : d’abord parce qu’ils ne naissent pas de génération spontanée (ils sont l’aboutissement de sources nombreuses qui ont fécondé le « génie » de l’auteur), et ensuite, parce qu’ils fécondent eux-mêmes de multiples œuvres qui vont s’y référer plus ou moins explicitement... si bien que les plus grands « textes fondateurs » sont aussi ceux qu’il nous est impossible de lire tels qu’ils ont été publiés, car on ne peut les aborder que l’esprit déjà façonné (voire encombré !) par tout ce qu’ils ont engendré comme imitations, références ou commentaires. Par exemple, le Don Quichotte de Cervantès, né lui-même d’une nostalgie distanciée et d’une réflexion critique sur les romans de chevalerie qu’il parodie, a eu une telle influence sur la littérature postérieure (on le qualifie souvent de « premier roman moderne ») qu’il se présente vraiment comme un carrefour d’intertextualité4. Idem pour un ouvrage comme Les Pensées, dont nous parlions ci-dessus, qu’il est impossible d’apprécier sans se référer aux grands auteurs dont Pascal s’est inspiré (Montaigne, Saint Augustin par exemple) ni aux écrivains qui, après lui, ont reconnu leur dette envers lui, qu’ils aient subi sa marque (comme Chateaubriand) ou se soient opposés à sa vision des choses (comme Voltaire)…



    Du bon usage de l’intertextualité (dans un commentaire de texte)

    Les considérations auxquelles conduit la notion d’intertextualité peuvent donner le vertige sur ce qu’est profondément la littérature vivante. On comprend qu’il serait hasardeux, dans les exercices d’explication scolaire, de pratiquer la « lecture intertextuelle » sans une grande maîtrise de l’histoire littéraire et des savoirs critiques. Quelques conseils sur la méthode à suivre s’avèrent donc nécessaires.

    1) Avant tout, notamment à l’examen, il faut se pénétrer du texte. Tout le texte, rien que le texte, dans tout ce qu’il a d’objectif et d’explicite, concernant ce qu’il dit et la façon dont il le dit : voilà le premier travail à conduire méthodiquement, à l’aide des outils traditionnels d’explication que nous avons rappelés dans les articles précédents, en suggérant de mettre en relation le « je ressens » et le « je recense » (composition, nature du vocabulaire, champs lexicaux, figures de style, prosodie, effets visuels ou rythmiques, etc.). Il est vrai que dans cette première opération, des éléments intertextuels accompagnent immanquablement notre approche : ce que l’on « recense » nous renvoie forcément à des textes de même nature ou d’un même genre ; ce que l’on « ressent » nous rappelle des impressions similaires (examiner notre « horizon d’attente », c’est recenser des émotions que l’on croit spontanées alors qu’elles sont déjà pré-construites en nous par l’expérience de lectures antérieures !). Simplement, il faut savoir clairement ce que l’on fait, et se retenir devant des interprétations hâtives.

    2) La seconde opération consiste à faire usage très consciemment de l’intertextualité au sens premier du terme, c’est-à-dire au sens strict, que nous avons aussi nommé « contextualité ».
    L’examen du passage à commenter ayant été bien conduit, on peut alors sortir de sa « textualité » et tenir compte de connaissances externes, chercher en quoi elles éclairent le texte, ou du moins ajoutent des éléments d’explication. Deux niveaux de contextualité peuvent alors être définis :

    a) Celui qui relève de l’œuvre de l’auteur lui-même

    Le premier niveau consiste à situer l’extrait qu’on étudie (quelle est sa place, dans quel ouvrage, que peut-on en conclure) et à le mettre en relation avec d’autres passages de cet auteur (observés dans d’autres ouvrages le cas échéant). Ce principe, qui revient à expliquer l’auteur par lui-même, se justifie dans la mesure où un véritable écrivain n’élabore pas des textes isolés et partiels, mais construit d’ouvrage en ouvrage un univers dont toutes les parties s’éclairent mutuellement.


    b) Celui qui relève des autres textes, contemporains ou antérieurs, qui ont influencé littéralement ou globalement l’œuvre en question.

    Le second niveau consiste classiquement à repérer dans un texte les influences dont il est en partie le produit, qu’il s’agisse d’emprunts conscients (imitations, allusions, parodies) ou inconscients (réminiscences, reprises de motifs ou de formes, etc.). Recherche qui s’élargit très vite au contexte historique et culturel dans lequel l’œuvre a été écrite ou représentée (conditions d’élaboration, mouvement esthétique, avec ses ruptures et ses fidélités, etc.) : c’est ce contexte que les éditions universitaires retracent souvent de façon tout à fait satisfaisante.

    3) La « lecture intertextuelle » au sens large peut alors être tentée, en se donnant très clairement quelques hypothèses de recherche : rapprochements thématiques d’ouvrages ou de passages d’époques très diverses (l’amour, la mort, la cité, l’exil, etc.), analyse des grands archétypes de l’humanité (notamment des scènes fondamentales comme la scène de la Tentation, des mythes qui se répètent sous diverses formes comme le mythe de Prométhée ou le mythe de Faust), schémas d’interprétation empruntés aux sciences humaines (psychanalyse, histoire, ethnologie, structuralisme, épistémologie). Le texte peut alors être mis en correspondance avec d’innombrables autres textes qui semblaient sans rapport apparent avec lui, laissant soudain apparaître en lui des logiques imprévues, des résonances nouvelles, des significations surprenantes.

    La règle des règles, que l’intertextualité soit envisagée au sens strict ou au sens large, c’est d’éviter de ne voir dans un texte que la répétition de ce qu’on a trouvé dans d’autres. Que la « structure oedipienne », souvent présente dans une œuvre, ajoute une cohérence à un récit ou à une scène est une chose intéressante ; mais le risque demeure de réduire l’œuvre à ce schéma, au lieu de montrer combien elle l'enrichit ou le renouvelle5. Il faut éviter de banaliser, en faisant d’un extrait un doublet d’autres textes dont on le rapproche. Il y a toujours danger de remplacer une explication par une énumération de références qui montrent la culture du commentateur, mais ne rendent pas compte de la valeur spécifique du texte à commenter. S’il est bon de reconnaître ce qui est répétitif d’une œuvre à l’autre, dans les idées ou dans la forme, il faut très vite éliminer le banal pour mettre en relief l’original. Ne repérer des traits communs que pour faire ressortir des combinaisons spécifiques. En un mot : ne re-connaître que pour connaître du nouveau.




    Deux exemples pris dans Baudelaire


    1) L’intertextualité au sens strict (ou « contextualité »)

    Soit le poème « A une Passante », qui figure dans la seconde partie des Fleurs du Mal (édition de 1861).
    Voici le texte de ce célèbre sonnet :

    La rue assourdissante autour de moi hurlait.
    Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
    Une femme passa, d’une main fastueuse
    Soulevant, balançant le feston et l’ourlet ;

    Agile et noble, avec sa jambe de statue.
    Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
    Dans son œil, ciel livide où germe l’ouragan,
    La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.

    Un éclair… puis la nuit ! – Fugitive beauté
    Dont le regard m’a fait soudainement renaître,
    Ne te verrai-je plus que dans l’éternité ?

    Ailleurs, bien loin d’ici ! trop tard ! jamais peut-être !
    Car j’ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
    Ô toi que j’eusse aimée, ô toi qui le savais !



    Supposons maintenant que le commentaire de ce texte, donné sans autre précision à un examen, ait été achevé. Le candidat a rendu sa copie. Il veut en savoir plus, en examinant la « contextualité » de ce poème.

    A) Pour commencer, il va chercher en quoi Baudelaire explique Baudelaire. Voici quelques informations qu’il peut trouver :

    1) Ce texte figure dans la partie des Fleurs du Mal intitulée « Tableaux Parisiens », ce qui peut être une piste de lecture (le texte comme croquis parisien).
    2) Il y a des variantes, comme celle du dixième vers : le poète, avant d’écrire « m’a fait soudainement renaître », avait écrit « m’a fait souvenir et renaître » (ce qui rattache le texte au thème de la vie antérieure).
    3) Dans le poème en prose Les Veuves, on trouve une évocation proche : « C’était une femme grande, majestueuse, et si noble dans tout son air […] Son visage triste et amaigri, était en parfaite concordance avec le grand deuil dont elle était revêtue. » Mêmes traces textuelles dans le poème en prose Le Désir de peindre : « Je brûle de peindre celle qui m’est apparue si rarement et qui a fui si vite […]. En elle, le noir abonde […] , et son regard illumine comme l’éclair : c’est une explosion dans les ténèbres. »
    4) Bien entendu, le thème de l’idéalisation de la femme, dans l’ensemble des poèmes de Baudelaire, ne manque pas d’entrer en résonance avec ce texte en particulier et d’en enrichir l’interprétation.

    B) L’observation du contexte culturel — les œuvres contemporaines ou antérieures — pourra être aussi une précieuse source. Ainsi, dans l’un de ses contes recueillis sous le titre Champavert (1832), Petrus Borel écrit à propos d’une femme qui vous apparaît comme une illumination : « Pour moi, cette pensée qu’on ne reverra jamais cet éclair qui nous a éblouis, […], que deux existences faites l’une pour l’autre, pour être adorées, pour être heureuses ensemble en cette vie et dans l’éternité, sont à jamais écartées, […] – pour moi, cette pensée est profondément douloureuse. » Plus étrangement encore, Gérard de Nerval publie la même année un recueil d’Odelettes, dont l’une, intitulée « Une allée du Luxembourg », traite le même sujet dans une tonalité assez différente mais avec des expressions fort proches ; la voici :

    Elle a passé, la jeune fille,
    Vive et preste comme un oiseau :
    À la main une fleur qui brille,
    À la bouche un refrain nouveau.

    C’est peut-être la seule au monde
    Dont le cœur au mien répondrait,
    Qui, venant dans ma nuit profonde,
    D’un seul regard l’éclaircirait !

    Mais non, - ma jeunesse est finie…
    Adieu, doux rayon qui m’a lui, -
    Parfum, jeune fille, harmonie…
    Le bonheur passait, - il a fui !


    S’il est à peu près sûr que Baudelaire connaissait ces deux textes, n’allons pas crier au plagiat. Il s’agit avant tout d’une même source d’inspiration romantique (et humaine). Ce que permet le recours à l’intertextualité, c’est — en rapprochant ces textes — de montrer l’originalité de chacun. Sur un même thème, une page ou une poésie réussie n’influence pas seulement en suscitant l’envie de l’imiter, mais aussi en donnant le désir de s’en différencier.

    C) Après avoir examiné ces sources, le candidat à l’explication peut naturellement passer à la lecture intertextuelle au sens large, et comparer les scènes de rencontres, les récits d’illuminations ou de coups de foudre, aussi bien dans la littérature postérieure, romantique ou non (par exemple la « première apparition » de Madame Arnoult aux yeux de Frédéric, dans l’Éducation sentimentale de Flaubert), que dans le cinéma, etc.

    2/ L’intertextualité au sens large (la lecture intertextuelle)

    Prenons maintenant, toujours dans Les Fleurs du Mal, le poème « Spleen » n°78.
    Sur le premier niveau d’intertextualité, celui qui permet de comprendre Baudelaire par Baudelaire, on notera que plusieurs poèmes ont ce même titre (la notion de « spleen » est donc dès le début intertextuelle !), que ces poèmes dans la première partie du recueil suivent ceux qui illustrent « l’Idéal » (et donc, le spleen doit s’expliquer comme une chute, une désillusion qui suit nécessairement tout mouvement vers l’Idéal), que l’auteur a intitulé son recueil de poèmes en prose Le Spleen de Paris , ce qui autorise le commentaire (savant) à de multiples rapprochements intertextuels…
    Mais la lecture intertextuelle va vite nous conduire à élargir la question du « spleen » au traitement général de l’ennui et du mal être chez d’autres écrivains du XIXe siècle : en particulier, on étudiera le « spleen » comme une sorte de nouveau « mal du siècle ». De là, opérant une recherche sur l’expression du « vague à l’âme » dans la littérature antérieure, il sera fructueux de trouver des précurseurs à Baudelaire au début du XVIIe siècle, voire au XVIe. Mais les auteurs classiques s’étant eux-mêmes inspirés des poètes de l’antiquité (les latins avaient l’expression « tædium vitae » pour désigner le dégoût de vivre), nous voici renvoyés à la poésie du chagrin dans la littérature occidentale (qui comprend aussi des textes religieux, comme la parole du Christ : « Mon âme est triste à en mourir. »)… Tout cela n’est pas indispensable pour comprendre le poème de Baudelaire, bien sûr, mais permet de lui donner un éclairage complémentaire, de circonscrire son originalité propre, et aussi de cerner les constantes du « mal de vivre » chez les hommes.
    Rien ne nous empêche alors de parcourir les siècles dans l’autre sens, vers l’aval, et de chercher dans notre modernité des échos du « spleen » baudelairiens, en le mettant par exemple en rapport avec la « nausée » sartrienne ou « le sentiment de l’absurde » chez Camus, sans parler des multiples expressions du désespoir dans la littérature du XXe siècle.
    Ces considérations sont sans limites. C’est la richesse de l’intertextualité. Cette richesse, cependant, ne doit pas faire oublier les dérives possibles que nous avons signalées plus haut, — le principal danger étant de remplacer l’étude du texte (qui doit demeurer première) par l’exploration de tout ce qui peut s’en rapprocher, autour, avant, ou après.

    Bruno Hongre (2004).


    NOTES


    1) Racine dit clairement dans la préface de Phèdre qu’il a pris son sujet chez Euripide et qu’il a dû lui apporter quelques modifications, mais il précise : « Je n’ai pas manqué d’enrichir ma pièce de tout ce qui m’a paru éclatant dans la sienne. » Ainsi, nos auteurs classiques se glorifient de leurs emprunts et s’excusent de leur invention !

    2) A ce sujet, je me permets de renvoyer au commentaire d’environ 1200 expressions et citations que j’ai rassemblées dans un livre récent : Réviser vos Références culturelles (Ellipses, Paris, 2003). Ce sont pour ainsi dire 1200 exemples d’intertextualité !

    3) En ce qui concerne le simple usage des mots, bien entendu, il ne suffit pas que deux auteurs à peu près contemporains emploient de nombreux termes identiques pour en conclure que l’un a influencé l’autre. Car au niveau du pur vocabulaire, les écrivains puisent le plus souvent dans le même corpus, qu’il s’agisse du langage de leur époque (l’âge classique), d’une mode provisoire (le courant précieux) ou d’un genre codé (par exemple, la langue soutenue de la tragédie). C’est en faisant cette confusion que de récents chercheurs ont voulu attribuer à Corneille les œuvres de Molière !!!

    4) Voir à ce sujet la façon dont Jacques Brel s’est emparé du mythe de Don Quijote

    5) On peut faire la même remarque à propos du « schéma actantiel », en narratologie : il permet d’éclairer toute forme de narration, mais il ne suffit pas à montrer l’originalité de tel ou tel récit. Il ne faut donc pas en faire un outil « passe-partout ».

    Bruno Hongre ©2004


                                                                            Illustration : Emilio Danero


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    Emilio DaneroL'intertextualité

    L’intertectualité nous permet de découvrir une oeuvre littéraire dans tout son foisonnement culturel.
    Bruno Hongre nous fait comprendre, grâce à l’étude de ce concept, qu’une oeuvre n’est jamais autonome. Elle est en effet influencée par des oeuvres antérieures. Tout texte est à mettre en relation avec d’autres textes ou avec la culture environnante dans lesquels, consciemment ou inconsciemment, l’auteur va chercher une partie de son inspiration.


    Le constat

    Un texte n’existe jamais tout seul.
    D’une part, il fait le plus souvent partie d’un livre (recueil, discours, roman, pièce de théâtre, etc.), c’est-à-dire d’un ensemble d’autres textes qui entrent en résonance avec lui, et contribuent à lui donner son sens : par exemple, un poème de Victor Hugo, d’abord écrit pour lui-même, puis placé selon un certain ordre dans Les Contemplations, prendra de ce fait même une signification qui n’apparaissait pas dans le texte pris isolément.
    D’autre part, un texte est souvent pétri de références culturelles plus ou moins conscientes (citations, imitations ou transpositions, pastiches, parodies, allusions, réminiscences) qui sont autant de traces plus ou moins littérales issues d’autres livres ou d’autres époques. Ainsi, les écrivains dits classiques imitaient d’une façon délibérée les « Anciens », c’est-à-dire les auteurs de l’Antiquité grecque et latine : ils leur empruntaient la matière de leurs œuvres, des thèmes poétiques ou dramatiques, des fables, des mythes, des réflexions, etc., jusqu’à reprendre leurs formules mêmes (ainsi, la fameuse réplique de Phèdre, « C’est toi qui l’as nommé. », au vers 264, est déjà chez Euripide1). L’étude savante des « sources » d’une œuvre montre à quel point la part d’éléments empruntés est la règle et la part de création originale l’exception. Mais ce que les classiques faisaient délibérément, la plupart des écrivains le font spontanément, influencés qu’ils sont par leurs lectures, par le contexte culturel auquel ils appartiennent, par les codes littéraires venus de leurs prédécesseurs, etc. Bien entendu, dans cette place prise, au sein d’un texte donné, par les éléments textuels ou thématiques (formulations, motifs, mythes, symboles, archétypes, etc.) venus d’ailleurs, les grandes traditions culturelles de notre civilisation se taillent la part du lion : l’héritage gréco-romain et l’héritage judéo-chrétien en particulier. Par exemple, on ne peut comprendre le titre du récit de Camus La Chute, sans se référer à la Genèse, pas plus d’ailleurs qu’une simple phrase comme celle de Proust : « Les vrais paradis sont ceux qu’on a perdus. »
    D’où une première définition : au sens strict, l’intertextualité recouvre l’ensemble des traces laissées dans un texte donné par un ou plusieurs textes antérieurs (parfois contemporains), et l’étude des relations qu’on peut observer entre ce texte et ceux auxquels il fait écho (citation, imitation consciente, réminiscence ; reprise plus moins transformée ; référence critique ; opposition radicale, etc.). Car il ne suffit pas de découvrir ce que reprend un auteur : l’intérêt, c’est de montrer ce qu’il fait des éléments qu’il reprend.



    La complexité de la notion

    Si l’on considère un texte à ces trois niveaux que représentent son écriture, sa structure et sa thématique, on peut trouver à la notion d’intertextualité une extension quasi sans limites :

    • Du côté du style et de l’écriture, les tournures (souvent académiques), les expressions choisies (parmi toutes celles dont la littérature a enrichi notre langue), les références littérales ou proverbiales sont extrêmement nombreuses2. C’est à celles-ci, le plus souvent explicites, que l’on pense d’abord lorsqu’on parle d’intertextualité. Mais les mots eux-mêmes dont use innocemment le moindre écrivain sont déjà chargés des connotations que d’autres ont pu y mettre, ses contemporains ou ses prédécesseurs3. Par exemple, il m’est impossible d’employer après Pascal le terme « divertissement », ou après Baudelaire le mot « spleen », sans que mon texte personnel soit imprégné de la « marque » qu’ont ajoutée ces deux auteurs à chacun de ces termes. Même si je n’ai pas lu Pascal, même si j’ignore Baudelaire ! Un lecteur plus cultivé que moi, en lisant mon énoncé, redonnera à celui-ci la richesse originelle dont sont chargés ces mots. Et, très généralement, chaque fois que nous lisons un texte du passé, nous le « transformons » en prêtant à ses expressions des significations ou des nuances qu’elles ont acquises depuis, et auxquelles l’auteur ne pouvait pas songer : son texte se trouve alors modifié, enrichi (voire trahi) — rétroactivement — par l’effet des textes postérieurs qui ont fait évoluer le vocabulaire… Le résultat, c’est qu’en lisant le plus naturellement du monde, nous faisons de l’intertextualité sans le savoir !

    • Du côté des structures d’un texte, il en est de même. Si je me sers du code romanesque élaboré par tous les auteurs qui ont raconté quelque chose depuis que la littérature existe, si j’utilise les ressources de la rhétorique développées par tous les orateurs dont les discours sont parvenus jusqu’à nous, je vais imiter des formes ou retrouver des procédés mis au point avant moi et qui vont rendre ma page efficace. Les textes que j’ai en mémoire, et qui ont en quelque sorte « formaté » mon esprit, sont donc au travail en moi au moment même où j’écris. Idem, en ce qui concerne les différents genres ou codes poétiques : le choix du sonnet, l'usage de l'alexandrin contribuent largement à prédéterminer les effets d'un poème (le sonnet classique est construit en fonction de sa « chute » — cet « effet de sens » final ; le rythme de l'alexandrin facilite et impose à la fois la mise en valeur de certains mots nécessairement accentués, etc.). Ainsi, au niveau des structures, l’intertextualité est reine : tout texte est secrètement influencé, que l’auteur le veuille ou non, par la forme historique dans laquelle il se coule. Et, comme précédemment, le lecteur, nourri des ouvrages contemporains, va nécessairement lire les œuvres du passé en fonction de sa nouvelle culture, s’étonner que des livres anciens soient, par leur forme, « étonnamment modernes », etc. Par exemple, on peut lire les « utopies » du passé à la lumière de notre lecture des livres de science-fiction, ce qui peut leur redonner un intérêt inattendu.

    • Enfin, concernant la thématique d’un texte, du moindre extrait à l’œuvre globale, elle est elle-même en relation avec l’ensemble des thèmes plus ou moins proches (ou même parfaitement opposés) qui ont déjà pu être traités dans la littérature qui précède. Par exemple, si j’écris un texte pacifiste, je puis être influencé par tel article de l’ Encyclopédie sur la guerre ; si je n’ai pas lu cet article, je peux être influencé par d’autres auteurs qui l’ont lu ; plus généralement, je peux être imprégné de la culture diffuse que les écrivains des Lumières ont répandue sur ce sujet, et mon discours s’en ressentira que je le veuille ou non. Il ne sera donc pas illégitime, pour un lecteur qui veut commenter ce texte, de faire référence aux idées qu’il a trouvées dans l’Encyclopédie, et qui ne sont pas sans rapport avec ce que j’ai écrit moi-même, quoique n’ayant jamais lu le fameux article. On voit donc que la notion d’intertextualité va permettre à un lecteur ou à un critique de mettre en rapport des textes qui n’ont jamais été objectivement en relation directe. Et même, pour éclairer ou commenter une page produite à un date précise, de procéder à des comparaisons avec des textes écrits ultérieurement !


    Mais au cours de ces quelques remarques, nous sommes passés insensiblement de la genèse du texte (ses rapports avec les textes précédents ou contemporains qui l’ont nourri) à la question de sa lecture (ce que la connaissance d’autres textes, publiés plus tard, permet d’y lire, d’y projeter, d’y comprendre, etc., — indépendamment bien sûr de ce qu’a voulu faire l’auteur). Cela va nous permettre de compléter notre définition de l’intertextualité. En nous plaçant à ce second point de vue, nous pourrons donc ajouter cette précision de taille : l’intertextualité, c’est aussi l’ensemble des relations — et leur étude éventuelle — que peut entretenir un texte donné avec toutes sortes d’autres textes (y compris postérieurs) dont on le rapproche pour mieux le comprendre, le ressentir ou l’interpréter (ce qui suppose, bien sûr, que l’on justifie les rapprochements que l’on opère). Notons que si l’on voulait distinguer les deux significations du mot, on pourrait choisir de nommer la première « contextualité », et préférer pour la seconde l’expression « lecture intertextuelle ». Mais globalement, il s’agit bien d’un seul et même concept. Et c’est le lieu ici de citer l’excellente définition qu’en donne le « Petit Larousse » (éd. 2003), qui couvre justement les deux aspects que nous venons d’explorer : « Intertextualité : Ensemble des relations qu’un texte, et notamment un texte littéraire, entretient avec un autre ou avec d’autres, tant au plan de sa création (par la citation, le plagiat, l’allusion, le pastiche, etc.), qu’au plan de sa lecture et de sa compréhension, par les rapprochements qu’opère le lecteur. »

    Ainsi, l’intertextualité, ce n’est pas seulement le fait pour l’auteur d’inscrire des éléments issus de sa culture dans ce qu’il écrit ; c’est aussi le fait, pour le lecteur, d’introduire ou projeter dans le texte même qu’il croit seulement décrypter, des éléments inscrits en lui par ses autres lectures. Chacun, dans sa relation au texte, investit en quelque sorte son « capital textuel » et sa capacité d’analyse. D’où au moins deux conséquences :

    1) Personne ne lit jamais exactement le même texte : chacun projette et interprète, découvrant donc et décodant à sa manière — singulière et unique — les significations que l’auteur a « encodées » dans son « message ». Un contemporain de Pascal ou de Racine ne pouvait pas percevoir les Pensées ou Phèdre comme nous recevons nous-mêmes ces textes, et réciproquement. Lors même que nous relisons un même texte, ce n’est déjà plus la même lecture que nous en faisons. Non pas seulement parce qu’a changé notre expérience des choses auxquelles renvoient les mots. Mais parce que, au fil du temps, avec l’évolution conjointe de notre culture et de la langue qui la traduit, notre mode de lecture s’est déjà modifié. L’auteur lui-même qui se relit, quelques années après (et parfois plus tôt), ne perçoit plus son texte exactement comme il avait eu conscience de l’écrire : il y repère des intuitions dont il n’avait pas conscience en écrivant, il y observe des logiques nouvelles, il y constate les retentissements que l’époque a pu avoir sur lui à son insu… Il découvre qu’il n’a été que partiellement « l’auteur » de ce qu’il a écrit. On est traversé par l’écriture, on n’en est pas la source.

    2) L’acte de lire n’est jamais l’absorption naïve — au premier degré — d’un contenu donné, dans un récipient vide que serait l’esprit du lecteur. Il y a toujours une interaction entre ce que nous propose le texte et ce que notre « capital textuel » va nous permettre d’en retirer (en le triant, en l’interprétant, en le « recréant » à l’aide de notre imaginaire, bref en le faisant « exister » originalement dans notre conscience). Bien loin d’absorber passivement, le lecteur filtre, réagit, examine, joue avec le texte : dès sa première lecture, il lit « au second degré ». Compte-tenu de la somme de savoirs qui est en nous, à la suite de tout ce que nous avons appris et lu par ailleurs (sans parler de ce que nous avons vécu), la lecture la plus spontanée d’un texte nouveau est toujours intertextuelle, toujours plus ou moins « critique ». Or, ces savoirs qui sont en nous ne se limitent pas à la littérature : ils recouvrent tout ce qu’on nomme « culture », tout ce qui forme l’imaginaire humain, tout ce qui nourrit nos capacités d’examen critique (connaissances historiques, sciences humaines, etc.). Ainsi, sur un texte donné, la lecture intertextuelle peut consister en une lecture informée par la psychanalyse, la sociologie, etc. L’exemple du mythe d’Œdipe est éloquent à ce sujet. On sait que Freud en a tiré le concept n°1 de sa théorie, le « complexe d’Œdipe ». Si on connaît un peu la psychanalyse, on va donc pouvoir lire la pièce de Sophocle Oedipe-Roi de façon totalement nouvelle par rapport à la lecture qui a pu en être faite jusqu’au XXe siècle. Idem pour Electre de Sophocle, idem pour le Hamlet de Shakespeare, idem pour Les Gommes d’Alain Robbe-Grillet, idem pour bien d’autres œuvres, dont la cohérence interne se trouve considérablement enrichie par une « lecture oedipienne », si l’on parvient bien sûr à trouver dans les textes suffisamment d’indices autorisant cette « lecture ».

    3) Les perspectives précédentes ne signifient pas qu’on puisse lire et faire dire à un livre ou à un extrait n’importe quoi. Quels que soient notre abord du texte, notre « horizon d’attente » et nos hypothèses de lecture, il faut bien sûr que ce que nous croyons y reconnaître y soit présent, c’est à dire « lisible », (même si l’auteur n’en a pas eu conscience), et puisse être étayé par des faits ou par des repérages précis ; il faut surtout qu’aucun élément objectif du texte (structures, langue, thèmes, etc.) ne vienne contredire l’interprétation proposée. En règle générale, on constate que les grands textes de la littérature sont particulièrement concernés par la notion d’intertextualité : d’abord parce qu’ils ne naissent pas de génération spontanée (ils sont l’aboutissement de sources nombreuses qui ont fécondé le « génie » de l’auteur), et ensuite, parce qu’ils fécondent eux-mêmes de multiples œuvres qui vont s’y référer plus ou moins explicitement... si bien que les plus grands « textes fondateurs » sont aussi ceux qu’il nous est impossible de lire tels qu’ils ont été publiés, car on ne peut les aborder que l’esprit déjà façonné (voire encombré !) par tout ce qu’ils ont engendré comme imitations, références ou commentaires. Par exemple, le Don Quichotte de Cervantès, né lui-même d’une nostalgie distanciée et d’une réflexion critique sur les romans de chevalerie qu’il parodie, a eu une telle influence sur la littérature postérieure (on le qualifie souvent de « premier roman moderne ») qu’il se présente vraiment comme un carrefour d’intertextualité4. Idem pour un ouvrage comme Les Pensées, dont nous parlions ci-dessus, qu’il est impossible d’apprécier sans se référer aux grands auteurs dont Pascal s’est inspiré (Montaigne, Saint Augustin par exemple) ni aux écrivains qui, après lui, ont reconnu leur dette envers lui, qu’ils aient subi sa marque (comme Chateaubriand) ou se soient opposés à sa vision des choses (comme Voltaire)…



    Du bon usage de l’intertextualité (dans un commentaire de texte)

    Les considérations auxquelles conduit la notion d’intertextualité peuvent donner le vertige sur ce qu’est profondément la littérature vivante. On comprend qu’il serait hasardeux, dans les exercices d’explication scolaire, de pratiquer la « lecture intertextuelle » sans une grande maîtrise de l’histoire littéraire et des savoirs critiques. Quelques conseils sur la méthode à suivre s’avèrent donc nécessaires.

    1) Avant tout, notamment à l’examen, il faut se pénétrer du texte. Tout le texte, rien que le texte, dans tout ce qu’il a d’objectif et d’explicite, concernant ce qu’il dit et la façon dont il le dit : voilà le premier travail à conduire méthodiquement, à l’aide des outils traditionnels d’explication que nous avons rappelés dans les articles précédents, en suggérant de mettre en relation le « je ressens » et le « je recense » (composition, nature du vocabulaire, champs lexicaux, figures de style, prosodie, effets visuels ou rythmiques, etc.). Il est vrai que dans cette première opération, des éléments intertextuels accompagnent immanquablement notre approche : ce que l’on « recense » nous renvoie forcément à des textes de même nature ou d’un même genre ; ce que l’on « ressent » nous rappelle des impressions similaires (examiner notre « horizon d’attente », c’est recenser des émotions que l’on croit spontanées alors qu’elles sont déjà pré-construites en nous par l’expérience de lectures antérieures !). Simplement, il faut savoir clairement ce que l’on fait, et se retenir devant des interprétations hâtives.

    2) La seconde opération consiste à faire usage très consciemment de l’intertextualité au sens premier du terme, c’est-à-dire au sens strict, que nous avons aussi nommé « contextualité ».
    L’examen du passage à commenter ayant été bien conduit, on peut alors sortir de sa « textualité » et tenir compte de connaissances externes, chercher en quoi elles éclairent le texte, ou du moins ajoutent des éléments d’explication. Deux niveaux de contextualité peuvent alors être définis :

    a) Celui qui relève de l’œuvre de l’auteur lui-même

    Le premier niveau consiste à situer l’extrait qu’on étudie (quelle est sa place, dans quel ouvrage, que peut-on en conclure) et à le mettre en relation avec d’autres passages de cet auteur (observés dans d’autres ouvrages le cas échéant). Ce principe, qui revient à expliquer l’auteur par lui-même, se justifie dans la mesure où un véritable écrivain n’élabore pas des textes isolés et partiels, mais construit d’ouvrage en ouvrage un univers dont toutes les parties s’éclairent mutuellement.


    b) Celui qui relève des autres textes, contemporains ou antérieurs, qui ont influencé littéralement ou globalement l’œuvre en question.

    Le second niveau consiste classiquement à repérer dans un texte les influences dont il est en partie le produit, qu’il s’agisse d’emprunts conscients (imitations, allusions, parodies) ou inconscients (réminiscences, reprises de motifs ou de formes, etc.). Recherche qui s’élargit très vite au contexte historique et culturel dans lequel l’œuvre a été écrite ou représentée (conditions d’élaboration, mouvement esthétique, avec ses ruptures et ses fidélités, etc.) : c’est ce contexte que les éditions universitaires retracent souvent de façon tout à fait satisfaisante.

    3) La « lecture intertextuelle » au sens large peut alors être tentée, en se donnant très clairement quelques hypothèses de recherche : rapprochements thématiques d’ouvrages ou de passages d’époques très diverses (l’amour, la mort, la cité, l’exil, etc.), analyse des grands archétypes de l’humanité (notamment des scènes fondamentales comme la scène de la Tentation, des mythes qui se répètent sous diverses formes comme le mythe de Prométhée ou le mythe de Faust), schémas d’interprétation empruntés aux sciences humaines (psychanalyse, histoire, ethnologie, structuralisme, épistémologie). Le texte peut alors être mis en correspondance avec d’innombrables autres textes qui semblaient sans rapport apparent avec lui, laissant soudain apparaître en lui des logiques imprévues, des résonances nouvelles, des significations surprenantes.

    La règle des règles, que l’intertextualité soit envisagée au sens strict ou au sens large, c’est d’éviter de ne voir dans un texte que la répétition de ce qu’on a trouvé dans d’autres. Que la « structure oedipienne », souvent présente dans une œuvre, ajoute une cohérence à un récit ou à une scène est une chose intéressante ; mais le risque demeure de réduire l’œuvre à ce schéma, au lieu de montrer combien elle l'enrichit ou le renouvelle5. Il faut éviter de banaliser, en faisant d’un extrait un doublet d’autres textes dont on le rapproche. Il y a toujours danger de remplacer une explication par une énumération de références qui montrent la culture du commentateur, mais ne rendent pas compte de la valeur spécifique du texte à commenter. S’il est bon de reconnaître ce qui est répétitif d’une œuvre à l’autre, dans les idées ou dans la forme, il faut très vite éliminer le banal pour mettre en relief l’original. Ne repérer des traits communs que pour faire ressortir des combinaisons spécifiques. En un mot : ne re-connaître que pour connaître du nouveau.




    Deux exemples pris dans Baudelaire


    1) L’intertextualité au sens strict (ou « contextualité »)

    Soit le poème « A une Passante », qui figure dans la seconde partie des Fleurs du Mal (édition de 1861).
    Voici le texte de ce célèbre sonnet :

    La rue assourdissante autour de moi hurlait.
    Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
    Une femme passa, d’une main fastueuse
    Soulevant, balançant le feston et l’ourlet ;

    Agile et noble, avec sa jambe de statue.
    Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
    Dans son œil, ciel livide où germe l’ouragan,
    La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.

    Un éclair… puis la nuit ! – Fugitive beauté
    Dont le regard m’a fait soudainement renaître,
    Ne te verrai-je plus que dans l’éternité ?

    Ailleurs, bien loin d’ici ! trop tard ! jamais peut-être !
    Car j’ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
    Ô toi que j’eusse aimée, ô toi qui le savais !



    Supposons maintenant que le commentaire de ce texte, donné sans autre précision à un examen, ait été achevé. Le candidat a rendu sa copie. Il veut en savoir plus, en examinant la « contextualité » de ce poème.

    A) Pour commencer, il va chercher en quoi Baudelaire explique Baudelaire. Voici quelques informations qu’il peut trouver :

    1) Ce texte figure dans la partie des Fleurs du Mal intitulée « Tableaux Parisiens », ce qui peut être une piste de lecture (le texte comme croquis parisien).
    2) Il y a des variantes, comme celle du dixième vers : le poète, avant d’écrire « m’a fait soudainement renaître », avait écrit « m’a fait souvenir et renaître » (ce qui rattache le texte au thème de la vie antérieure).
    3) Dans le poème en prose Les Veuves, on trouve une évocation proche : « C’était une femme grande, majestueuse, et si noble dans tout son air […] Son visage triste et amaigri, était en parfaite concordance avec le grand deuil dont elle était revêtue. » Mêmes traces textuelles dans le poème en prose Le Désir de peindre : « Je brûle de peindre celle qui m’est apparue si rarement et qui a fui si vite […]. En elle, le noir abonde […] , et son regard illumine comme l’éclair : c’est une explosion dans les ténèbres. »
    4) Bien entendu, le thème de l’idéalisation de la femme, dans l’ensemble des poèmes de Baudelaire, ne manque pas d’entrer en résonance avec ce texte en particulier et d’en enrichir l’interprétation.

    B) L’observation du contexte culturel — les œuvres contemporaines ou antérieures — pourra être aussi une précieuse source. Ainsi, dans l’un de ses contes recueillis sous le titre Champavert (1832), Petrus Borel écrit à propos d’une femme qui vous apparaît comme une illumination : « Pour moi, cette pensée qu’on ne reverra jamais cet éclair qui nous a éblouis, […], que deux existences faites l’une pour l’autre, pour être adorées, pour être heureuses ensemble en cette vie et dans l’éternité, sont à jamais écartées, […] – pour moi, cette pensée est profondément douloureuse. » Plus étrangement encore, Gérard de Nerval publie la même année un recueil d’Odelettes, dont l’une, intitulée « Une allée du Luxembourg », traite le même sujet dans une tonalité assez différente mais avec des expressions fort proches ; la voici :

    Elle a passé, la jeune fille,
    Vive et preste comme un oiseau :
    À la main une fleur qui brille,
    À la bouche un refrain nouveau.

    C’est peut-être la seule au monde
    Dont le cœur au mien répondrait,
    Qui, venant dans ma nuit profonde,
    D’un seul regard l’éclaircirait !

    Mais non, - ma jeunesse est finie…
    Adieu, doux rayon qui m’a lui, -
    Parfum, jeune fille, harmonie…
    Le bonheur passait, - il a fui !


    S’il est à peu près sûr que Baudelaire connaissait ces deux textes, n’allons pas crier au plagiat. Il s’agit avant tout d’une même source d’inspiration romantique (et humaine). Ce que permet le recours à l’intertextualité, c’est — en rapprochant ces textes — de montrer l’originalité de chacun. Sur un même thème, une page ou une poésie réussie n’influence pas seulement en suscitant l’envie de l’imiter, mais aussi en donnant le désir de s’en différencier.

    C) Après avoir examiné ces sources, le candidat à l’explication peut naturellement passer à la lecture intertextuelle au sens large, et comparer les scènes de rencontres, les récits d’illuminations ou de coups de foudre, aussi bien dans la littérature postérieure, romantique ou non (par exemple la « première apparition » de Madame Arnoult aux yeux de Frédéric, dans l’Éducation sentimentale de Flaubert), que dans le cinéma, etc.

    2/ L’intertextualité au sens large (la lecture intertextuelle)

    Prenons maintenant, toujours dans Les Fleurs du Mal, le poème « Spleen » n°78.
    Sur le premier niveau d’intertextualité, celui qui permet de comprendre Baudelaire par Baudelaire, on notera que plusieurs poèmes ont ce même titre (la notion de « spleen » est donc dès le début intertextuelle !), que ces poèmes dans la première partie du recueil suivent ceux qui illustrent « l’Idéal » (et donc, le spleen doit s’expliquer comme une chute, une désillusion qui suit nécessairement tout mouvement vers l’Idéal), que l’auteur a intitulé son recueil de poèmes en prose Le Spleen de Paris , ce qui autorise le commentaire (savant) à de multiples rapprochements intertextuels…
    Mais la lecture intertextuelle va vite nous conduire à élargir la question du « spleen » au traitement général de l’ennui et du mal être chez d’autres écrivains du XIXe siècle : en particulier, on étudiera le « spleen » comme une sorte de nouveau « mal du siècle ». De là, opérant une recherche sur l’expression du « vague à l’âme » dans la littérature antérieure, il sera fructueux de trouver des précurseurs à Baudelaire au début du XVIIe siècle, voire au XVIe. Mais les auteurs classiques s’étant eux-mêmes inspirés des poètes de l’antiquité (les latins avaient l’expression « tædium vitae » pour désigner le dégoût de vivre), nous voici renvoyés à la poésie du chagrin dans la littérature occidentale (qui comprend aussi des textes religieux, comme la parole du Christ : « Mon âme est triste à en mourir. »)… Tout cela n’est pas indispensable pour comprendre le poème de Baudelaire, bien sûr, mais permet de lui donner un éclairage complémentaire, de circonscrire son originalité propre, et aussi de cerner les constantes du « mal de vivre » chez les hommes.
    Rien ne nous empêche alors de parcourir les siècles dans l’autre sens, vers l’aval, et de chercher dans notre modernité des échos du « spleen » baudelairiens, en le mettant par exemple en rapport avec la « nausée » sartrienne ou « le sentiment de l’absurde » chez Camus, sans parler des multiples expressions du désespoir dans la littérature du XXe siècle.
    Ces considérations sont sans limites. C’est la richesse de l’intertextualité. Cette richesse, cependant, ne doit pas faire oublier les dérives possibles que nous avons signalées plus haut, — le principal danger étant de remplacer l’étude du texte (qui doit demeurer première) par l’exploration de tout ce qui peut s’en rapprocher, autour, avant, ou après.

    Bruno Hongre (2004).


    NOTES


    1) Racine dit clairement dans la préface de Phèdre qu’il a pris son sujet chez Euripide et qu’il a dû lui apporter quelques modifications, mais il précise : « Je n’ai pas manqué d’enrichir ma pièce de tout ce qui m’a paru éclatant dans la sienne. » Ainsi, nos auteurs classiques se glorifient de leurs emprunts et s’excusent de leur invention !

    2) A ce sujet, je me permets de renvoyer au commentaire d’environ 1200 expressions et citations que j’ai rassemblées dans un livre récent : Réviser vos Références culturelles (Ellipses, Paris, 2003). Ce sont pour ainsi dire 1200 exemples d’intertextualité !

    3) En ce qui concerne le simple usage des mots, bien entendu, il ne suffit pas que deux auteurs à peu près contemporains emploient de nombreux termes identiques pour en conclure que l’un a influencé l’autre. Car au niveau du pur vocabulaire, les écrivains puisent le plus souvent dans le même corpus, qu’il s’agisse du langage de leur époque (l’âge classique), d’une mode provisoire (le courant précieux) ou d’un genre codé (par exemple, la langue soutenue de la tragédie). C’est en faisant cette confusion que de récents chercheurs ont voulu attribuer à Corneille les œuvres de Molière !!!

    4) Voir à ce sujet la façon dont Jacques Brel s’est emparé du mythe de Don Quijote

    5) On peut faire la même remarque à propos du « schéma actantiel », en narratologie : il permet d’éclairer toute forme de narration, mais il ne suffit pas à montrer l’originalité de tel ou tel récit. Il ne faut donc pas en faire un outil « passe-partout ».

    Bruno Hongre ©2004


                                                                            Illustration : Emilio Danero


  • Emilio DaneroLe vocabulaire essentiel (5)

    Voici la fin du vocabulaire essentiel qui répertorie les mots de la lettre Q à la lettre Z.


     

    Q

    qu'en-dira-t-on : Je comprends qu’il puisse se moquer du qu'en-dira-t-on (opinion générale des autres sur la conduite de quelqu'un).
    quiétude : Pour étudier mes examens, je dois travailler en toute quiétude (tranquillité).
    quintessence : Les films italiens représentent pour moi la quintessence de l'art cinématographique (ce qu'il y a de plus pur, d’essentiel, de meilleur).
    quolibet : Il s’est enfui sous les quolibets de ses condisciples (moquerie).
    quote-part : N’oublie pas que chaque membre du club doit payer sa quote-part (part d'une somme que l'on doit payer ou recevoir).

     

    R

    radical : Tu seras vite guéri, car c’est un remède radical ( qui agit en profondeur ; essentiel, fondamental).
    radicalisme : Le radicalisme des partis politiques extrémistes m’est insupportable (intransigeance absolue).
    rallier : Notre association compte rallier tous les adversaires de la violence (rassembler des personnes autour d'une cause commune ; rejoindre un groupe, un parti).
    raréfaction : Les alpinistes souffrent de la raréfaction de l'air (fait de se raréfier, de devenir de plus en plus rare).
    rassis : C’est un homme de sens rassis (pondéré, réfléchi).
    ratifier : Le conseil des ministres a ratifié le traité de paix (approuver officiellement, valider).
    rationalisation : La rationalisation de l'agriculture a permis de doubler la production de céréales (action qui consiste à rendre une organisation plus efficace).
    rationalisme : Le rationalisme s'oppose à la superstition (doctrine qui rejette tout ce qui n'est pas conforme à la raison, qui n’accepte de croire que ce qui est démontré).
    rationnel : Une pensée rationnelle doit, me semble-t-il, s’allier à une part d’irréalisme (conforme à la raison, à la logique).
    réactionnaire : L'esprit réactionnaire est conservateur (qui s'oppose au progrès social, à l’évolution des idées et des institutions).
    rebattu : Cet argument est rebattu, car nous l'avons trop souvent entendu (très banal, qui a été très souvent répété).
    rebours (à) : Tu n’as plus que vingt secondes pour quitter les lieux, car le compte à rebours a commencé (en sens inverse).
    récalcitrant : Les élèves récalcitrants ont été punis (qui résiste avec entêtement, qui est rebelle aux injonctions).
    récapitulatif (adjectif ou nom) : Ce graphique récapitulatif te permettra de clarifier la situation (qui sert à répéter en énumérant les points principaux).
    recenser : Recensons les volontaires avant de nous lancer dans cette entreprise (dénombrer, inventorier) !
    récession : Quand la récession devient sévère, on parle de crise (fléchissement de l'activité économique).
    récidiver : Comment empêcher les délinquants de récidiver (commettre à nouveau une infraction) ?
    reclus : Son esprit est peu ouvert aux autres, car il a mené une existence recluse (isolé, renfermé).
    recouvrer : Il était temps qu’il recouvre la raison, car je commençais à m’inquiéter (récupérer).
    récrimination : J'en ai assez de vos récriminations (reproche) !
    recrudescence : La recrudescence des combats l’a profondément perturbé (reprise soudaine).
    rectitude : J’apprécie ce professeur, car il est d'une rectitude exemplaire (droiture morale et intellectuelle).
    récurrence : On peut observer une récurrence du thème de l’amour dans la poésie romantique (répétition fréquente d'un phénomène).
    récuser : J’ai décidé de recuser ce témoignage qui me semble peu crédible (refuser d'admettre, repousser ; refuser d’accepter quelqu’un comme juge, expert, juré, arbitre ou témoin).
    rédempteur : Certaines personnes estiment que la souffrance peut être rédemptrice (qui sauve, qui rachète, c’est-à-dire qui relève d’une déchéance morale ou remet sur le droit chemin).
    rédhibitoire : Sa faiblesse rédhibitoire en mathématique lui fermera les portes d’un enseignement trop scientifique (qui constitue un obstacle, un empêchement radical à la réalisation de quelque chose).
    réfection : La réfection du château en ruines attirera de nouveaux visiteurs (action de remettre à neuf).
    référendum : Par un référendum, le personnel de l'entreprise s'est prononcé en faveur du plan de sauvetage de celle-ci (consultation générale sur une question précise à laquelle il faut répondre par oui ou par non).
    référer : Le mot « centaure » réfère à une réalité imaginaire (faire référence à).
    référer (en … à) : J’en référerai au directeur s’il le faut (en appeler à une autorité supérieure en vue d’une décision).
    référer (se … à) : Si tu veux réaliser une bonne dissertation, je te conseille de te référer au Petit Robert (recourir à l’autorité d’une personne ou d’un texte, prendre comme référence).
    refoulement :
    1) sens psychologique : Il ne profite jamais de la vie, car il refoule constamment ses désirs (action qui empêche consciemment certains désirs de s’exprimer).
    2) sens psychanalytique : phénomène inconscient de défense par lequel le moi rejette une pulsion (sexuelle, agressive...) ; c’est le surmoi qui, déclenchant le mécanisme de la « censure », suscite le refoulement.
    réfractaire : L’anarchiste est réfractaire à toute forme d’autorité (qui résiste, qui refuse de se soumettre, qui est rebelle).
    refréner : Il était temps que tu refrénes ta colère (mettre un frein, contenir psychologiquement).
    réfuter : Je n'aurai pas de mal à réfuter votre objection qui me semble peu sérieuse (démontrer la fausseté).
    régénérer : Il voudrait régénérer la société qu’il juge décadente (reconstituer, faire renaître quelqu’un ou quelque chose en lui faisant retrouver ses qualités premières).
    régir : Afin d’éviter des abus, des règles bien précises régissent les relations commerciales (gouverner, fixer l’organisation).
    régression : La régression de la production économique risque de déstabiliser notre pays (diminution, recul).
    réhabiliter : Il faudra réhabiliter la mémoire de cet écrivain qui mérite d’être redécouvert (rétablir l’importance ou les droits de quelqu’un).
    réitérer : Tu devras réitérer ta demande, car ils oublient facilement les choses (répéter, renouveler).
    reliquat : Vous devez me payer le reliquat de la somme que vous avez commencé à me payer il y a un mois (ce qui reste à payer).
    réminiscence : Tu devras patienter, car mes réminiscences du passé sont rares (souvenir imprécis).
    rémission : Les hostilités entre ces deux pays n’ont malheureusement connu qu’une courte rémission (accalmie provisoire d’un mal ; période de calme, apaisement momentané).
    renchérir sur :
    1) Nous étions tous étonnés qu’il ait renchéri sur l’offre de son voisin (faire une enchère supérieure)
    2) Il a renchéri sur ce thème qui avait déjà été développé l’année passée (aller encore plus loin que, en actions ou en paroles).
    renégat : C’est un renégat, car il a révélé le secret que son ami lui avait confié (personne qui renie sa religion ; personne qui renie ses engagements, traître).
    répréhensible : Voler une vieille femme sans ressources est un acte que j’estime répréhensible (qui mérite d'être réprimandé).
    répression : La répression de la violence aux États-Unis est une oeuvre de longue haleine (action d'empêcher ou de punir les comportements illicites ; fait d’étouffer violemment un mouvement collectif de révolte ou de protestation).
    réprobation : Il a encouru la réprobation de son chef, car il était souvent en retard à son travail (blâme sévère).
    répudier : Heureusement qu’il a répudié les sentiments xénophobes qu’il éprouvait dans sa jeunesse (rejeter, repousser ; renvoyer son épouse en rompant le mariage).
    requête : Je présenterai une requête aux autorités communales afin qu’elles luttent davantage contre le banditisme (demande adressée à une autorité).
    réquisition : L’occupant allemand a exigé la réquisition de ce bâtiment scolaire (procédure juridique qui autorise une administration à exiger d’un individu la prestation d’un service ou la cession d’un bien).
    réquisitoire : Son discours était un réquisitoire violent contre la presse qui manipule les gens (texte ou discours par lequel on accuse quelqu’un ou on dénonce les imperfections de quelque chose ; plaidoierie accusatrice).
    résignation : Après de nombreux mois de combat contre sa maladie, il s’est abandonné à la résignation (fait d’accepter sans protester, tendance à soumettre).
    résilier : Lorsqu’il apprit qu’il avait perdu tout son argent dans une faillite, il résilia le contrat (mettre fin à un accord).
    résorber : Il faudra, cette année, résorber le déficit de l’entreprise si nous voulons la développer dans le futur (faire disparaître progressivement).
    respectabilité : Vous m’avez fait du tort, car vos calomnies ont nui à ma respectabilité (qualité d’une personne qui mérite le respect).
    respectif : Que chacun conserve sa place respective (qui concerne chaque personne ou chaque chose, par rapport — ou par différence — aux autres).
    ressentiment : Il éprouve du ressentiment envers cette personne qui l’a trahi (rancune, rancœur).
    restrictif : Je suis scandalisé, car le contrat de location de l’immeuble possède une clause restrictive à l’égard de certains étrangers (qui restreint, qui limite la portée de quelque chose).
    rétif : D’abord rétif, il s’est ensuite montré enthousiaste pour mon nouveau projet (indocile, qui résiste, difficile à persuader).
    rétorquer : Je lui ai rétorqué qu’il se trompait, mais cela ne l’a pas convaincu (objecter, répliquer).
    rétorsion : La communauté européenne a pris des mesures de rétorsion à l’égard de ce pays qui avait augmenté le prix de la bière à l’exportation (réponse analogue à un mauvais procédé, représailles).
    rétractation : La rétractation de son engagement nous a fortement déçus (fait de désavouer ce qu’on a fait ou dit).
    rétroactif : Méfie-toi, car cette loi pourrait avoir un effet rétroactif (qui exerce une action sur le passé).
    rétrocéder : Je ne désire pas lui rétrocéder le terrain qu’il m’avait offert, car sa situation est exceptionnelle (rendre à quelqu’un ce qu’on a reçu de lui).
    rétrograde : Tu ne pourras le convaincre de l’intérêt de ta réforme, car il a un esprit rétrograde (opposé au progrès).
    rétrospectif : L’oeuvre de ce peintre mérite qu’on en fasse une étude rétrospective (qui concerne le passé).
    rétrospective : J’ai eu l’occasion de voir une exposition fabuleuse qui était la rétrospective artistique du siècle dernier (exposition qui présente un récapitulatif des oeuvres d’un auteur ou d’une école, documentaire qui présente un bilan chronologique d’événements).
    revêche : Il m’est difficile de la côtoyer, car elle est d’une humeur revêche (qui est d’un abord difficile, qui manifeste un mauvais caractère, rébarbatif).
    révérer : Tout ce que les personnes plus âgées ont révéré est parfois méprisé par les jeunes (traiter avec grand respect, honorer une personne, vénérer une réalité sacrée).
    réversible : Certains regretteront que le temps n’est pas réversible (qui peut s’inverser, c’est-à-dire se produire dans un sens comme dans l’autre sens) !
    réviser : Ce procès a dû être révisé, car il contenait des failles juridiques (revoir, examiner de nouveau).
    révolu : L’époque de la machine à écrire est révolue depuis que l’ordinateur a été inventé (qui a achevé son temps ou qui a totalement disparu).
    révoquer : Ce fonctionnaire a été révoqué, car il était incompétent (destituer une personne d’une fonction ou d’une charge ; déclarer nul).
    rigorisme : Votre rigorisme témoigne d’un manque d’ouverture évident (attachement rigoureux, souvent excessif, aux règles morales ou religieuses).
    rocambolesque : Son aventure ne me semble pas crédible, car elle est tellement rocambolesque (se dit d'un récit riche en péripéties spectaculaires, en rebondissements inattendus et invraisemblable).
    rococo (nom et adjectif) :
    1) Le style rococo est apparenté au baroque (nom : style du XVIIIème siècle qui se caratérise par la profusion de l’ornementation).
    2) Cette horloge vieillotte me semblait rococo (adjectif : tarabiscoté, ridiculement compliqué, démodé).
    roturier : Certains nobles n’aiment pas se trouver en compagnie de roturiers (personne qui n'est pas noble).
    rouerie : Je me méfie de cette femme, car elle agit toujours avec rouerie (action pleine de ruse, de dissimulation).
    rudiments : Cet étudiant a des difficultés en français, car il n'a que des rudiments de grammaire (notions élémentaires).
    rustique : Ses manières rustiques n’ont pas plu à la femme qu’il a rencontrée (très simple et peu raffiné ; qui se rapporte à la campagne).

     

    S

    sacerdoce : Certains considèrent le métier de professeur comme un véritable sacerdoce (fonction qui présente un caractère fort respectable et quasi religieux en raison du dévouement et de l’abnégation qu’elle exige).
    sacraliser : La publicité sacralise la voiture qui devient parfois un véritable mythe (conférer une valeur sacrée à).
    sagacité : La sagacité de son analyse m’a profondément impressionné (perspicacité, clairvoyance).
    salubre : Le climat des pays chauds est peu salubre (sain, favorable à la santé).
    saper : Certains jeunes veulent saper l'autorité des parents (détruire les bases d'une réalité physique ou morale).
    sarcasme : Vos sarcasmes m'exaspèrent (moquerie ironique ou insultante).
    satellite : On a parfois l’impression que certains pays sont considérés comme des pays satellites par les USA (se dit d'un pays ou de personnages qui dépendent d'autres, plus puissants).
    satiété : Il n’en pouvait plus, car il avait atteint la satiété (état d'une personne dont la faim ou le désir sont amplement rassasiés).
    saturer: Nous aurons un bouchon, car l’autoroute est saturée (remplir à l’excès).
    satyre : Les jeunes filles ne devraient pas aller se promener dans ce bois, car la police y a signalé l’existence d’un satyre (homme lubrique qui poursuit les femmes de ses désirs obscènes, exhibitionniste).
    scabreux : Depuis que la majorité des employés sont partis, la situation me semble assez sacbreuse ; la jeune fille est choquée, car il lui tient des propos sacabreux (difficile, risqué ; inconvenant, qui choque la décence).
    scatologique : Ses plaisanteries scatologiques ne m’amusent pas (qui évoque les excréments).
    scélérat (nom et adjectif) :
    1) nom : Cet homme est un scélérat ! (personne qui a commis ou est capable de commettre des crimes ; personne qui fait des actions condamnables ;fripon).
    2) adjectif : Ses actions scélérates ont choqué les gens (infâme).
    scepticisme :
    1) sens philosophique : La philosophie de Descartes, liée au « doute méthodique », était empreinte de scepticisme (doctrine selon laquelle l’esprit humain ne peut parvenir à aucune vérité générale. Tout pouvant être mis en doute, il faut s’abstenir de juger).
    2) sens courant : Ton projet me plonge dans un profond scepticisme, car il me semble trop gigantesque (attitude d’incrédulité et de défiance).
    schème : Les schèmes de ce peintre sont difficiles à cerner dans le dernier tableau qu’il vient d’exécuter (forme ou structure d’ensemble d’un processus, d’un objet, d’une action, telle qu’elle est perçue ou imaginée par l’esprit humain).
    sciemment : Je ne comprends pas pourquoi il lui a fait du mal sciemment (volontairement).
    scission : Le parti vit une situation difficile, car il a subi une scission (action de se scinder, de se diviser).
    sclérose : Tu ne le convaincras pas de ton projet pourtant génial, car son esprit est complètement sclérosé (incapacité d’évoluer et de s’adapter, manque de souplesse, vieillissement).
    scorie : Je suis étonné que l’on ait attribué un prix à ce roman qui est, en fait, encombré de scories (déchet, sous-produit, partie médiocre ou mauvaise).
    sectaire : Son attitude sectaire témoigne de son intolérance (qui refuse toutes les idées différentes des siennes).
    séculaire : Chaque année, le village, attaché à ses coutumes séculaires, est en fête (qui existe depuis un ou plusieurs siècles).
    sécularisation : Le fait que le prêtre porte un habit proche de celui des autres hommes est un indice de sécularisation (passage à l’état laïque, non religieux).
    sédentaire (adjectif et nom) : Il ne t’accompagnera pas en voyage, car c’est un sédentaire (qui ne se déplace pas, qui reste attaché à son lieu d'habitation).
    sédition : Je fus frappé pas la violence de la sédition (soulèvement, révolte contre l’autorité).
    ségrégation : Je fus toujours scandalisé par la ségrégation entre les blancs et les populations de couleur (séparation méthodique des personnes sur base de leurs différences).
    sempiternel : Tes plaintes sempiternelles commencent à m’agacer (qui se répète indéfiniment).
    séquence :
    1) Le premier parcours que nous avons étudié en classe comprend plusieurs séquences (suite ordonnée d’éléments).
    2) au cinéma : Un plan-séquence est une séquence assez longue constituée d’un seul plan, filmé en continu par la caméra (suite de plans dont l’ensemble constitue une scène ayant son unité).
    sertir : Cette dissertation est sertie de brillantes citations (enchâsser une pierre précieuse dans une monture ; insérer).
    servile : Son obéissance servile témoigne de son manque de personnalité (qui manifeste une soumission excessive).
    servitude : Le peuple est réduit à une servitude scandaleuse (état de dépendance extrême, soumission ; contrainte).
    sexisme : Imaginer que toutes les femmes sont plus superficielles que les hommes, c’est faire preuve d’un sexisme incroyable (discrimination basée sur le sexe).
    sibyllin : Je ne comprends guère ses propos sibyllins (mystérieux, énigmatique, hermétique).
    sidérer : Je suis sidéré par l’annonce du décès de ce jeune homme (frapper de stupeur, abasourdir).
    sied à (du verbe « seoir ») : Vous êtes superbe, car cette robe sied parfaitement à votre silhouette (convient à).
    simulacre : Ce procès m’a scandalisé, car il n’était qu’un simulacre (manifestation qui n’a que l’apparence de la réalité qu’elle voudrait être, apparence trompeuse, faux-semblant).
    sine qua non : Mon départ de la présidence ne sera possible qu’à la condition sine qua non que vous retiriez vos chars (indispensable).
    sinécure : Il croyait que la profession d’enseignant était une sinécure (situation confortable et sans souci ; emploi bien payé et peu exigeant) !
    solde (être à la — de : nom féminin) : Il est à la solde d’un individu peu scrupuleux qui le manipule (être payé ou acheté par quelqu’un pour accomplir de basses besognes).
    solde (non masculin) : Tu devras me régler bientôt le solde de ta facture (reliquat d’un compte).
    solliciter :
    1) Il est parfois difficile de résiter aux publicités qui nous sollicitent sans cesse (inciter, stimuler, pousser à).
    2) J’ai malheureusement oublié de te solliciter au sujet de la décision que nous avons dû prendre (faire appel à quelqu’un).
    sollicitude : Ne crains rien, car il veillera sur toi avec sollicitude (attitude attentive et affectueuse envers une personne).
    sommaire (adjectif et nom) : Ses connaissances sommaires ne l’aideront pas à réussir (qui est brièvement résumé ; qui est réduit à sa forme la plus simple ; résumé, table des matières).
    sommer : Je vous somme de me répondre sans délai, si vous ne désirez pas avoir de problèmes (ordonner avec vigueur).
    sonder : Un tiers des personnes sondées se déclare favorable à la suppression des repas chauds (chercher à connaître les intentions ou les opinions de).
    sophisme : Les sophismes sont généralement destinés à tromper le public (raisonnement apparemment logique, mais qui est faux).
    sophistiqué : Ton style manque de simplicité, car il est trop sophistiqué (alambiqué, compliqué, recherché ; artificiel, affecté).
    soporifique : Cet exposé soporifique m’a profondément déçu (ennuyeux, qui plonge dans le sommeil).
    souffrir : La règle concernant l’interdiction de fumer dans ce restaurant ne souffre aucune exception (supporter, tolérer, admettre).
    spartiate : Nous étions tous étonnés, car il menait une vie spartiate (sévère et rigoureux comme les coutumes de Sparte).
    spécieux :Ton raisonnement spécieux ne risque pas d’être entendu (fallacieux, trompeur).
    spectre : Il est incroyable de constater que le spectre de la famine soit toujours présent à notre époque (idée effrayante, réalité menaçante).
    spéculation :
    1) Tu ne dois pas trop te fier à ces spéculations qui ne sont basées sur aucune donnée réelle (étude abstraite, recherche théorique)
    2) Ce terrain a fait l’objet d’une spéculation immobilière (opération qui consiste à acheter puis revendre pour faire des bénéfices).
    spolier : Un notaire véreux a spolié mon cousin de sa part d’héritage (dépouiller quelqu’un d’un bien qui lui revient).
    sporadique : Ce ne sont que des grèves sporadiques (qui existe çà et là ; qui se produit de temps à autre, irrégulier).
    standardisation : La standardisation des pictogrammes a favorisé leur utilisation massive (reproduction d’un modèle type ; uniformisation des modes de vie et de pensée).
    statut :
    1) Il pourra rester dans notre pays, car il a un statut de réfugié politique (ensemble de lois qui fixent les droits d’une personne).
    2) Le statut de l’enfant devrait être revalorisé lorsque l’on observe la façon dont il est parfois exploité dans certains pays (situation de fait d’une personne ou d’une catégorie).
    stigmatiser : L’auteur a stigmatisé la publicité qui crée des besoins artificiels (condamner, blâmer).
    stipuler : Les consignes de l’examen stipulent, entre autre choses, que vous pouvez utiliser le vérificateur orthographique (spécifier ; énoncer une condition précise dans un contrat).
    stoïcisme :
    1) La devise du stoïcisme est « supporte et abstiens-toi »(philosophie grecque de Zénon —340-263 avant J.-C. — selon laquelle le bonheur est dans la vertu et qui professe le détachement par rapport aux désirs et aux douleurs).
    2) On peut le féliciter, car il a fait preuve de stoïcisme (courage devant le mal et les malheurs).
    structuralisme : Le structuralisme en littérature considère que chaque oeuvre est composée de diverses parties qui ont des liens entre elles (théorie considérant que l’objet d’étude de chaque science humaine est une structure c’est-à-dire un ensemble ou un système composé de différentes réalités ayant des rapports entre elles).
    styliser : Le sculpteur a stylisé le modèle qu’il avait devant lui (représenter la réalité de façon simplifiée).
    subalterne : Il était déçu, car il avait un rôle subalterne dans le spectacle (secondaire, hiérarchiquement inférieur).
    subconscient : L’inconscient, à la différence du subconscient, est inaccessible à la conscience (zone psychique à laquelle on peut accéder par un effort d’introspection).
    subjectif : Nous savons tous que les goûts sont subjectifs (personnel, qui varie selon les individus).
    subjuguer : L’orateur a subjugué le public avec un sujet passionnant (charmer, envoûter).
    sublimation : Les conduites humanitaires sont des formes de sublimation (transformation de certaines pulsions en aspirations à des valeurs morales ou sociales).
    subodorer : Je subodore, à travers cette attitude soi-disant généreuse, une perfide manœuvre (deviner, pressentir).
    subordination : C’était un fonctionnaire tellement orgueilleux qu’il ne supportait pas son état de subordination à l’égard de son supérieur (le fait d’être soumis à l’autorité de quelqu’un).
    subrepticement : Certains n’ont pas apprécié qu’il ait agi subrepticement (par surprise, d’une manière dissimulée).
    subsidiaire : Les organisateurs de concours ajoutent souvent une question subsidiaire afin d’être assurés de ne pas avoir trop de gagnants (complémentaire) !
    substitut : Ce produit n’ est pas très bon, car il n’est qu’un substitut du champagne (produit de remplacement).
    substrat : La notion d’altérité est pour certains philosophes le substrat de leur idéologie (fondement, base).
    subversif : Un discours subversif (qui est de nature à renverser l'ordre établi, qui est susceptible de menacer les valeurs reçues).
    succédané : Ces romans-photos ne sont que de vulgaires succédanés de films (produit de remplacement, au sens péjoratif).
    succinct : Je vous demande une description succincte des faits plutôt qu’un long discours (bref, concis).
    suggestif :
    1) Sa mimique suggestive m’a fait comprendre son dégoût pour certains films trop commerciaux (qui suggère parfaitement ce qu’il évoque).
    2) Sa tenue suggestive ne plaisait guère à sa mère (qui suggère des idées ou des représentations érotiques).
    sujétion : Ce dictateur maintenait son peuple dans la sujétion (état de soumission ou de contrainte).
    summum : Il peut être heureux, car il est au summum de la gloire (sommet).
    superfétatoire : Il est préférable que tu te taises, car tes précisions sont superfétatoires (superflu, inutile).
    superstructure :
    1) La superstructure d’un bâtiment me semble assez bien conçue (partie supérieure d’une construction, située au-dessus du niveau du sol).
    2) Sens philosophique (dans le vocabulaire marxiste) : Pour les marxistes, la superstructure est produite par la réalité économique (ensemble des institutions — politiques, juridiques et culturelles — et des idéologies — doctrines philosphiques, religions, culture dominante — qui sont déterminées par les structures économiques et les rapports de production (c’est-à-dire l’infrastructure).
    supplanter : Il a utilisé une manoeuvre habile, destinée à supplanter les concurrents (prendre la place de, remplacer).
    supputer : Supputer le coût de ce spectacle est une démarche essentielle avant de commencer les répétitions (évaluer).
    suranné : Ses robes surannées ne la mettent pas en valeur (démodé, archaïque).
    surenchère : Les politiciens aiment faire de la surenchère en période électorale (proposition ou promesse qui dépasse largement celles des concurrents, fait d’aller encore plus loin en actions ou en paroles).
    surmoi : Le Surmoi censure les pulsions qui nous semblent néfastes et convertit les autres en aspirations légitimes, par sublimation (en psychanalyse, ensemble des interdits moraux qui règnent sur l’individu).
    sustenter (se) : N’oubliez pas de vous sustenter avant de partir à l’école (se nourrir).
    symbiose : Il était touchant d’ observer les membres de cette famille qui vivaient en symbiose (étroite union entre personnes, entre groupes).
    symptomatique : Son caractère me semblait symptomatique, car il pensait déjà à ses vacances alors qu’il venait d’être engagé (révélateur).
    synergie : Si nous voulons que les choses progressent, il faudra créer une synergie des moyens politiques et économiques (action coordonnée de plusieurs éléments).
    synopsis : Le synopsis du projet nous permet de voir plus clair (bref résumé au cinéma, vue d’ensemble).

     

    T

    tacite : Cet accord tacite ne sera pas suffisant (implicite, sous-entendu).
    taciturne : C’est un personnage taciturne, mais d’une remarquable intelligence (qui parle peu, sombre, morose).
    tangible : Voici enfin un résultat tangible (évident, bien réel).
    tare : Sa gourmandise est une vraie tare (défaut héréditaire, imperfection grave).
    targuer (se) : Il se targue d’écrire un roman en trois jours (se vanter).
    taxinomie : Je suis sans voix face à l’obsession taxinomique de ce botaniste (science de la classification)
    tempérance : La tempérance vous interdit de consommer des boissons alcoolisées si vous conduisez (modération).
    temporiser : Au lieu de prendre une décision ferme, il temporise (retarder une décision).
    tendancieux : Votre version des événements me semble tendancieuse (qui tente d'influencer le destinataire dans le sens des idées ou du parti pris de l’auteur ).
    ténu : Je regrette de devoir vous dire que vos chances de réussite sont ténues (très mince).
    tergiverser : Ne sachant quel projet accepter, il tergiverse (hésiter, prendre des détours pour masquer son indécision).
    terroir : Les coutumes du terroir devraient être préservées (région rurale).
    théocratie : Certains pays musulmans appliquent la théocratie (système politique dans lequel le pouvoir est exercé par des chefs religieux ou par un souverain dont l’autorité se présente comme émanant directement de Dieu).
    théologie : Rares sont les étudiants qui entament des études de théologie (ensemble des études centrées sur Dieu, les textes sacrés, les dogmes et les traditions religieuses ; conception élaborée par tel ou tel théologien).
    thérapeute : Le médecin est un thérapeute (personne qui soigne les malades).
    thérapeutique : La thérapeutique est parfois encore impuissante face au cancer (science qui étudie les remèdes).
    thérapie : Tous les six mois, ce malade suit courageusement une thérapie (ensemble de soins, traitement médical).
    thésauriser : Il ne dépense rien : il thésaurise (amasser de l’argent sans le placer ou le faire circuler).
    timoré : Son comportement timoré ne l’aidera pas à rencontrer les autres (excessivement craintif).
    titanesque : Son travail titanesque fut admiré (gigantesque, colossal).
    toiser : La manière dont il toisa son adversaire m’écoeura (regarder avec mépris).
    tollé : Cette décision prise sans consultation du personnel a provoqué un tollé (protestation collective).
    totalitaire :
    1) De nombreux pays communistes étaient totalitaires (se dit d’un régime politique qui prétend organiser et gouverner la totalité de la vie des citoyens).
    2) Une pensée totalitaire est souvent à l’origine d’un régime totalitaire (se dit d’une philosophie, d’une religion, d’une doctrine politique qui croit détenir la clef idéale de la vie de l’homme en société).
    totalitarisme : La peur de l’opposition a renforcé le totalitarisme de certaines dictatures (caractère d’un régime qui prétend gouverner la totalité de la vie des citoyens ; caractère d’une philosophie ou d’une idéologie qui prétend produire une société qui fera le bien total de l’homme).
    tragique : Nos journaux télévisés sont truffés d’événements tragiques (qui présente un carctère effroyable, douloureux).
    trame : La trame de ce roman de pacotille me semblait bien mince (enchevêtrement de faits réels ou d’événements fictifs qui constituent le fond d’un récit).
    transcendance : La transcendance de certaines vérités (supériorité d’une réalité sur une autre).
    transcendant : Son esprit transcendant émerveilla le jury (supérieur aux autres ou aux réalités du monde).
    transfert : Le patient a vécu un transfert, car il a reporté sur son psychanalyste son affection paternelle (en psychanalyse, déplacement de sentiments inconscients du sujet vers son analyste).
    transfiguration : Je subis une véritable transfiguration, car son influence fut prépondérante dans ma vie (transformer en améliorant ou en donnant une beauté et un éclat inhabituels).
    transfuge : C’est un transfuge du parti socialiste qui a rejoint le parti des verts (personne qui abandonne un groupe, un mouvement, une doctrine pour se rallier à un autre).
    transgresser : Rimbaud avait un esprit révolutionnaire, car il aimait transgresser les interdits (enfreindre, désobéir à).
    transiger :
    1) Je n’aurais pas dû transiger avec cet escroc (conclure un arrangement).
    2) transiger sur (quelque chose) : J’ai eu tort de transiger sur ce point du règlement qui me semblait pourtant capital (ne pas se montrer ferme, concéder ou laisser faire par faiblesse).
    transition : Je fus étonné, car, sans transition, il aborda un autre sujet (passage progressif d'une idée à une autre).
    transmutation : La transmutation du plomb en or est le rêve des alchimistes (changement de nature, transformation totale ; changement d’une matière en une autre).
    transport (le plus souvent au pluriel) : Des transports de joie traversaient mon coeur, car il avait enfin réussi son projet (vive émotion, bouleversement de l’âme).
    transposer :Transposer un roman au cinéma demande du savoir-faire (déplacer dans un autre domaine).
    traumatisme : On dit souvent que les soldats, ayant participé à une guerre violente, ont subi un véritable traumatisme (ensemble des troubles psychiques conscients et inconscients qui résultent d’un événement brutal de la vie affective du sujet ; ensemble des troubles qui résultent d’un choc).
    trépidation : Les trépidations de la vie moderne provoquent un certain stress (agitation ; tremblement).
    tribun : Ce politicien est un redoutable tribun capable de manipuler les foules (orateur éloquent qui défend une cause ou une idée).
    tributaire : Je ne peux faire ce que je désire, car je suis tributaire de mon employeur (étroitement dépendant).
    triptyque : Cette peinture est très impressionnante, car c’est un triptyque (oeuvre en trois parties).
    trivial : Il n’apprécie guère le langage trivial (grossier, vulgaire).
    tronquer : Je ne supporte pas que mon manuscrit ait été tronqué (ôter une partie essentielle d'un ouvrage).
    trophée : Le trophée du concours est convoité, car c’est une médaille en or (objet qui témoigne d'une victoire).
    truculent : Les personnages de cette comédie sont assez truculents, car ils n’hésitent pas à s’exprimer en toute liberté (qui exprime les choses avec crudité, pittoresque et réalisme).
    truffer : Tu dois relire ta dissertation, car elle est truffée de fautes de style (remplir d’une façon excessive).
    truisme : Ton exposé me semble peu original, car il est rempli de truismes (vérité si évidente, si banale, qu’il vaut mieux s’abstenir de la formuler).
    tutélaire : L’ amitié tutélaire que nous avons vécue m’a profondément marqué (qui protège).
    ultérieur : Les événements ultérieurs confirmèrent mes inquiétudes (futur).
    ultimatum : Avant d’être attaqué, l’Irak reçut plusieurs ultimatums des États-Unis (condition impérative qui est imposée).
    ultime : Ses paroles ultimes furent bouleversantes (dernier).

     

    U

    unicité : On peut parler de l’unicité de cette expérience qu’il m’est difficile de vous transmettre (caractère de ce qui est unique).
    unilatéral :
    1) Je n’apprécie pas toujours les contrats unilatéraux (qui n’engage qu’une seule partie).
    2) Cette décision unilatérale de rompre l’accord est inadmissible (décidé par une seule partie).
    us (les — et coutumes) : Il faut accepter que les us et coutumes diffèrent selon les pays (usages, habitudes).
    usage (valeur d’) : La valeur d’usage d’un bien est différente de sa valeur d’échange (utilité effective d’un bien).
    usufruit : Je te rappelle que cette maison ne t’appartient pas, car tu n’en as que l’usufruit (droit de jouir d’un bien dont on n’est pas propriétaire).
    usurpation : Il n’admet pas, à juste titre, l’ usurpation de ses droits (appropriation illégitime).
    utopie : Tu ne sera pas suivi, car ton programme politique relève de l’utopie (projet irréalisable).

     

    V

    vacuité : La vacuité de cette œuvre littéraire me désole (vide, nullité).
    vade mecum : Heureusement que j’avais emporté mon vade mecum du secouriste (petit manuel, guide).
    vaillance : La vaillance de ce héros m’a heureusement surpris (bravoure, courage).
    valide :
    1) Malgré son âge, cet homme est toujours valide (sain).
    2) Je regrette de devoir vous signaler que votre photo n’est plus valide (valable).
    validité : La validité de ce passeport ancien me semble douteuse (caractère de ce qui est valable).
    vaticiner : Il vaticine, car il tient des discours extravagants sur l’an 3000 (prophétiser de façon délirante).
    véhémence : Son discours plein de véhémence était impressionnant (fougue, impétuosité).
    velléitaire : Il est difficile de dialoguer avec des personnes velléitaires (hésitant, qui n’arrive pas à se décider à agir).
    vélocité : J’apprécie le fait qu’il ait agi avec vélocité (grande rapidité).
    vénal :
    1) Pour les choses : La valeur affective d’un objet me semble plus important que sa valeur affective (qui s’échange, s’achète ou se vend contre de l’argent).
    2) Pour les personnes : C’est une femme vénale ( qui se laisse acheter, qui se vend au plus offrant, qui fait le commerce de ses charmes).
    vénérer : Je vénère ce professeur qui m’a appris tellement de choses (adorer ; aimer et admirer, avec un grand respect).
    véniel : Ce n’est qu’un défaut véniel (sans gravité, excusable).
    véracité : La véracité de ce témoignage est encore à prouver (qualité de ce qui est conforme à la vérité ; qualité d’une personne qui dit la vérité).
    verbal : Méfie-toi, car ce n’est qu’une promesse verbale (qui est dit de vive voix).
    verbeux : Cet orateur verbeux me fatigue (qui dit les choses en trop de mots, prolixe, bavard).
    verbiage : Le verbiage de cette dissertation masque l’absence totale d’idées intéressantes (abus de paroles ou de mots inutiles).
    vergogne : Il est incroyable qu’il puisse mentir sans vergogne (honte).
    versatile : Vivre avec une personne versatile me semble impossible (qui change facilement d'opinion ou d’attitude) !
    verve : La verve d'un orateur étonna l’assemblée (brillante capacité verbale).
    vétéran : Tu ne dois pas avoir de crainte, car c’est un vétéran (homme d’expérience qui a fait ses preuves)
    veto : Aux Nations-Unies, certains pays ont un droit de veto (opposition formelle).
    vétuste : Cet escalier vétuste me semble très dangereux (qui est vieux, n’est plus en bon état).
    veule : C’est un personnage veule et lâche que je ne désire plus rencontrer (qui est sans volonté, faible).
    via : Tu peux atteindre Londres via le tunnel sous la Manche (en passant par).
    viatique : Lire est un viatique pour certaines personnes (soutien moral).
    vicissitudes : Les vicissitudes de l’existence (changements heureux ou malheureux, succession d’événements positifs ou négatifs).
    vilipender : Les personnes plus âgées vilipendent parfois les mœurs de notre époque (dénoncer).
    vindicatif : Son caractère vindicatif lui attire des inimitiés (rancunier).
    virtuel : Ce projet est malheureusement resté à l’état virtuel (qui n’existe qu’en puissance, possible, potentiel).
    virulent : Il ne méritait pas cette critique virulente à son égard (violent).
    visionnaire : Jules Verne était un écrivain visionnaire (qui a des vues sur l’avenir ; illuminé).
    vitupérer : Je vitupère contre le gouvernement qui ne prend pas ses responsabilités en matière d’énergie (protester avec véhémence).
    vociférer : Ce n’est pas en vociférant contre le gouvernement qu’il arrivera à résoudre les problèmes (parler d’une voix forte et coléreuse, hurler contre quelqu'un).
    volage : Il ne savait pas que c’était une femme volage (qui change souvent de sentiment, inconstant en amour).
    volontarisme : Tu devrais avoir une attitude volontariste plutôt que de laisser aller les choses (attitude basée sur la volonté).
    volubile : Cet orateur volubile était assez fatigant (qui parle beaucoup, avec rapidité).
    volupté : J’écoute cette musique avec volupté (intense plaisir des sens et notamment jouissance sexuelle ; plaisir moral ou eshétique très vif).
    vulgaire : J’évitai rapidement ce personnage vulgaire (grossier, mal élevé, sans distinction).
    vulgarisation : L’Encyclopédie Encarta est davantage un ouvrage de vulgarisation que l’Encyclopédie Universalis (fait d’adapter un ensemble de connaissances de manière à les rendre accessibles au grand public).

     

    X

    xénophobie : La xénophobie crée des tensions dans certains pays (hostilité à l’égard des étrangers).

     

    Z

    zélateur : Un zélateur se manifeste parfois par des interventions intempestives (partisan actif d’une cause).


    Illustration : Emilio Danero


  • Emilio DaneroLe vocabulaire essentiel (5)

    Voici la fin du vocabulaire essentiel qui répertorie les mots de la lettre Q à la lettre Z.


    Q

    qu'en-dira-t-on : Je comprends qu’il puisse se moquer du qu'en-dira-t-on (opinion générale des autres sur la conduite de quelqu'un).
    quiétude : Pour étudier mes examens, je dois travailler en toute quiétude (tranquillité).
    quintessence : Les films italiens représentent pour moi la quintessence de l'art cinématographique (ce qu'il y a de plus pur, d’essentiel, de meilleur).
    quolibet : Il s’est enfui sous les quolibets de ses condisciples (moquerie).
    quote-part : N’oublie pas que chaque membre du club doit payer sa quote-part (part d'une somme que l'on doit payer ou recevoir).

    R

    radical : Tu seras vite guéri, car c’est un remède radical ( qui agit en profondeur ; essentiel, fondamental).
    radicalisme : Le radicalisme des partis politiques extrémistes m’est insupportable (intransigeance absolue).
    rallier : Notre association compte rallier tous les adversaires de la violence (rassembler des personnes autour d'une cause commune ; rejoindre un groupe, un parti).
    raréfaction : Les alpinistes souffrent de la raréfaction de l'air (fait de se raréfier, de devenir de plus en plus rare).
    rassis : C’est un homme de sens rassis (pondéré, réfléchi).
    ratifier : Le conseil des ministres a ratifié le traité de paix (approuver officiellement, valider).
    rationalisation : La rationalisation de l'agriculture a permis de doubler la production de céréales (action qui consiste à rendre une organisation plus efficace).
    rationalisme : Le rationalisme s'oppose à la superstition (doctrine qui rejette tout ce qui n'est pas conforme à la raison, qui n’accepte de croire que ce qui est démontré).
    rationnel : Une pensée rationnelle doit, me semble-t-il, s’allier à une part d’irréalisme (conforme à la raison, à la logique).
    réactionnaire : L'esprit réactionnaire est conservateur (qui s'oppose au progrès social, à l’évolution des idées et des institutions).
    rebattu : Cet argument est rebattu, car nous l'avons trop souvent entendu (très banal, qui a été très souvent répété).
    rebours (à) : Tu n’as plus que vingt secondes pour quitter les lieux, car le compte à rebours a commencé (en sens inverse).
    récalcitrant : Les élèves récalcitrants ont été punis (qui résiste avec entêtement, qui est rebelle aux injonctions).
    récapitulatif (adjectif ou nom) : Ce graphique récapitulatif te permettra de clarifier la situation (qui sert à répéter en énumérant les points principaux).
    recenser : Recensons les volontaires avant de nous lancer dans cette entreprise (dénombrer, inventorier) !
    récession : Quand la récession devient sévère, on parle de crise (fléchissement de l'activité économique).
    récidiver : Comment empêcher les délinquants de récidiver (commettre à nouveau une infraction) ?
    reclus : Son esprit est peu ouvert aux autres, car il a mené une existence recluse (isolé, renfermé).
    recouvrer : Il était temps qu’il recouvre la raison, car je commençais à m’inquiéter (récupérer).
    récrimination : J'en ai assez de vos récriminations (reproche) !
    recrudescence : La recrudescence des combats l’a profondément perturbé (reprise soudaine).
    rectitude : J’apprécie ce professeur, car il est d'une rectitude exemplaire (droiture morale et intellectuelle).
    récurrence : On peut observer une récurrence du thème de l’amour dans la poésie romantique (répétition fréquente d'un phénomène).
    récuser : J’ai décidé de recuser ce témoignage qui me semble peu crédible (refuser d'admettre, repousser ; refuser d’accepter quelqu’un comme juge, expert, juré, arbitre ou témoin).
    rédempteur : Certaines personnes estiment que la souffrance peut être rédemptrice (qui sauve, qui rachète, c’est-à-dire qui relève d’une déchéance morale ou remet sur le droit chemin).
    rédhibitoire : Sa faiblesse rédhibitoire en mathématique lui fermera les portes d’un enseignement trop scientifique (qui constitue un obstacle, un empêchement radical à la réalisation de quelque chose).
    réfection : La réfection du château en ruines attirera de nouveaux visiteurs (action de remettre à neuf).
    référendum : Par un référendum, le personnel de l'entreprise s'est prononcé en faveur du plan de sauvetage de celle-ci (consultation générale sur une question précise à laquelle il faut répondre par oui ou par non).
    référer : Le mot « centaure » réfère à une réalité imaginaire (faire référence à).
    référer (en … à) : J’en référerai au directeur s’il le faut (en appeler à une autorité supérieure en vue d’une décision).
    référer (se … à) : Si tu veux réaliser une bonne dissertation, je te conseille de te référer au Petit Robert (recourir à l’autorité d’une personne ou d’un texte, prendre comme référence).
    refoulement :
    1) sens psychologique : Il ne profite jamais de la vie, car il refoule constamment ses désirs (action qui empêche consciemment certains désirs de s’exprimer).
    2) sens psychanalytique : phénomène inconscient de défense par lequel le moi rejette une pulsion (sexuelle, agressive...) ; c’est le surmoi qui, déclenchant le mécanisme de la « censure », suscite le refoulement.
    réfractaire : L’anarchiste est réfractaire à toute forme d’autorité (qui résiste, qui refuse de se soumettre, qui est rebelle).
    refréner : Il était temps que tu refrénes ta colère (mettre un frein, contenir psychologiquement).
    réfuter : Je n'aurai pas de mal à réfuter votre objection qui me semble peu sérieuse (démontrer la fausseté).
    régénérer : Il voudrait régénérer la société qu’il juge décadente (reconstituer, faire renaître quelqu’un ou quelque chose en lui faisant retrouver ses qualités premières).
    régir : Afin d’éviter des abus, des règles bien précises régissent les relations commerciales (gouverner, fixer l’organisation).
    régression : La régression de la production économique risque de déstabiliser notre pays (diminution, recul).
    réhabiliter : Il faudra réhabiliter la mémoire de cet écrivain qui mérite d’être redécouvert (rétablir l’importance ou les droits de quelqu’un).
    réitérer : Tu devras réitérer ta demande, car ils oublient facilement les choses (répéter, renouveler).
    reliquat : Vous devez me payer le reliquat de la somme que vous avez commencé à me payer il y a un mois (ce qui reste à payer).
    réminiscence : Tu devras patienter, car mes réminiscences du passé sont rares (souvenir imprécis).
    rémission : Les hostilités entre ces deux pays n’ont malheureusement connu qu’une courte rémission (accalmie provisoire d’un mal ; période de calme, apaisement momentané).
    renchérir sur :
    1) Nous étions tous étonnés qu’il ait renchéri sur l’offre de son voisin (faire une enchère supérieure)
    2) Il a renchéri sur ce thème qui avait déjà été développé l’année passée (aller encore plus loin que, en actions ou en paroles).
    renégat : C’est un renégat, car il a révélé le secret que son ami lui avait confié (personne qui renie sa religion ; personne qui renie ses engagements, traître).
    répréhensible : Voler une vieille femme sans ressources est un acte que j’estime répréhensible (qui mérite d'être réprimandé).
    répression : La répression de la violence aux États-Unis est une oeuvre de longue haleine (action d'empêcher ou de punir les comportements illicites ; fait d’étouffer violemment un mouvement collectif de révolte ou de protestation).
    réprobation : Il a encouru la réprobation de son chef, car il était souvent en retard à son travail (blâme sévère).
    répudier : Heureusement qu’il a répudié les sentiments xénophobes qu’il éprouvait dans sa jeunesse (rejeter, repousser ; renvoyer son épouse en rompant le mariage).
    requête : Je présenterai une requête aux autorités communales afin qu’elles luttent davantage contre le banditisme (demande adressée à une autorité).
    réquisition : L’occupant allemand a exigé la réquisition de ce bâtiment scolaire (procédure juridique qui autorise une administration à exiger d’un individu la prestation d’un service ou la cession d’un bien).
    réquisitoire : Son discours était un réquisitoire violent contre la presse qui manipule les gens (texte ou discours par lequel on accuse quelqu’un ou on dénonce les imperfections de quelque chose ; plaidoierie accusatrice).
    résignation : Après de nombreux mois de combat contre sa maladie, il s’est abandonné à la résignation (fait d’accepter sans protester, tendance à soumettre).
    résilier : Lorsqu’il apprit qu’il avait perdu tout son argent dans une faillite, il résilia le contrat (mettre fin à un accord).
    résorber : Il faudra, cette année, résorber le déficit de l’entreprise si nous voulons la développer dans le futur (faire disparaître progressivement).
    respectabilité : Vous m’avez fait du tort, car vos calomnies ont nui à ma respectabilité (qualité d’une personne qui mérite le respect).
    respectif : Que chacun conserve sa place respective (qui concerne chaque personne ou chaque chose, par rapport — ou par différence — aux autres).
    ressentiment : Il éprouve du ressentiment envers cette personne qui l’a trahi (rancune, rancœur).
    restrictif : Je suis scandalisé, car le contrat de location de l’immeuble possède une clause restrictive à l’égard de certains étrangers (qui restreint, qui limite la portée de quelque chose).
    rétif : D’abord rétif, il s’est ensuite montré enthousiaste pour mon nouveau projet (indocile, qui résiste, difficile à persuader).
    rétorquer : Je lui ai rétorqué qu’il se trompait, mais cela ne l’a pas convaincu (objecter, répliquer).
    rétorsion : La communauté européenne a pris des mesures de rétorsion à l’égard de ce pays qui avait augmenté le prix de la bière à l’exportation (réponse analogue à un mauvais procédé, représailles).
    rétractation : La rétractation de son engagement nous a fortement déçus (fait de désavouer ce qu’on a fait ou dit).
    rétroactif : Méfie-toi, car cette loi pourrait avoir un effet rétroactif (qui exerce une action sur le passé).
    rétrocéder : Je ne désire pas lui rétrocéder le terrain qu’il m’avait offert, car sa situation est exceptionnelle (rendre à quelqu’un ce qu’on a reçu de lui).
    rétrograde : Tu ne pourras le convaincre de l’intérêt de ta réforme, car il a un esprit rétrograde (opposé au progrès).
    rétrospectif : L’oeuvre de ce peintre mérite qu’on en fasse une étude rétrospective (qui concerne le passé).
    rétrospective : J’ai eu l’occasion de voir une exposition fabuleuse qui était la rétrospective artistique du siècle dernier (exposition qui présente un récapitulatif des oeuvres d’un auteur ou d’une école, documentaire qui présente un bilan chronologique d’événements).
    revêche : Il m’est difficile de la côtoyer, car elle est d’une humeur revêche (qui est d’un abord difficile, qui manifeste un mauvais caractère, rébarbatif).
    révérer : Tout ce que les personnes plus âgées ont révéré est parfois méprisé par les jeunes (traiter avec grand respect, honorer une personne, vénérer une réalité sacrée).
    réversible : Certains regretteront que le temps n’est pas réversible (qui peut s’inverser, c’est-à-dire se produire dans un sens comme dans l’autre sens) !
    réviser : Ce procès a dû être révisé, car il contenait des failles juridiques (revoir, examiner de nouveau).
    révolu : L’époque de la machine à écrire est révolue depuis que l’ordinateur a été inventé (qui a achevé son temps ou qui a totalement disparu).
    révoquer : Ce fonctionnaire a été révoqué, car il était incompétent (destituer une personne d’une fonction ou d’une charge ; déclarer nul).
    rigorisme : Votre rigorisme témoigne d’un manque d’ouverture évident (attachement rigoureux, souvent excessif, aux règles morales ou religieuses).
    rocambolesque : Son aventure ne me semble pas crédible, car elle est tellement rocambolesque (se dit d'un récit riche en péripéties spectaculaires, en rebondissements inattendus et invraisemblable).
    rococo (nom et adjectif) :
    1) Le style rococo est apparenté au baroque (nom : style du XVIIIème siècle qui se caratérise par la profusion de l’ornementation).
    2) Cette horloge vieillotte me semblait rococo (adjectif : tarabiscoté, ridiculement compliqué, démodé).
    roturier : Certains nobles n’aiment pas se trouver en compagnie de roturiers (personne qui n'est pas noble).
    rouerie : Je me méfie de cette femme, car elle agit toujours avec rouerie (action pleine de ruse, de dissimulation).
    rudiments : Cet étudiant a des difficultés en français, car il n'a que des rudiments de grammaire (notions élémentaires).
    rustique : Ses manières rustiques n’ont pas plu à la femme qu’il a rencontrée (très simple et peu raffiné ; qui se rapporte à la campagne).

    S

    sacerdoce : Certains considèrent le métier de professeur comme un véritable sacerdoce (fonction qui présente un caractère fort respectable et quasi religieux en raison du dévouement et de l’abnégation qu’elle exige).
    sacraliser : La publicité sacralise la voiture qui devient parfois un véritable mythe (conférer une valeur sacrée à).
    sagacité : La sagacité de son analyse m’a profondément impressionné (perspicacité, clairvoyance).
    salubre : Le climat des pays chauds est peu salubre (sain, favorable à la santé).
    saper : Certains jeunes veulent saper l'autorité des parents (détruire les bases d'une réalité physique ou morale).
    sarcasme : Vos sarcasmes m'exaspèrent (moquerie ironique ou insultante).
    satellite : On a parfois l’impression que certains pays sont considérés comme des pays satellites par les USA (se dit d'un pays ou de personnages qui dépendent d'autres, plus puissants).
    satiété : Il n’en pouvait plus, car il avait atteint la satiété (état d'une personne dont la faim ou le désir sont amplement rassasiés).
    saturer: Nous aurons un bouchon, car l’autoroute est saturée (remplir à l’excès).
    satyre : Les jeunes filles ne devraient pas aller se promener dans ce bois, car la police y a signalé l’existence d’un satyre (homme lubrique qui poursuit les femmes de ses désirs obscènes, exhibitionniste).
    scabreux : Depuis que la majorité des employés sont partis, la situation me semble assez sacbreuse ; la jeune fille est choquée, car il lui tient des propos sacabreux (difficile, risqué ; inconvenant, qui choque la décence).
    scatologique : Ses plaisanteries scatologiques ne m’amusent pas (qui évoque les excréments).
    scélérat (nom et adjectif) :
    1) nom : Cet homme est un scélérat ! (personne qui a commis ou est capable de commettre des crimes ; personne qui fait des actions condamnables ;fripon).
    2) adjectif : Ses actions scélérates ont choqué les gens (infâme).
    scepticisme :
    1) sens philosophique : La philosophie de Descartes, liée au « doute méthodique », était empreinte de scepticisme (doctrine selon laquelle l’esprit humain ne peut parvenir à aucune vérité générale. Tout pouvant être mis en doute, il faut s’abstenir de juger).
    2) sens courant : Ton projet me plonge dans un profond scepticisme, car il me semble trop gigantesque (attitude d’incrédulité et de défiance).
    schème : Les schèmes de ce peintre sont difficiles à cerner dans le dernier tableau qu’il vient d’exécuter (forme ou structure d’ensemble d’un processus, d’un objet, d’une action, telle qu’elle est perçue ou imaginée par l’esprit humain).
    sciemment : Je ne comprends pas pourquoi il lui a fait du mal sciemment (volontairement).
    scission : Le parti vit une situation difficile, car il a subi une scission (action de se scinder, de se diviser).
    sclérose : Tu ne le convaincras pas de ton projet pourtant génial, car son esprit est complètement sclérosé (incapacité d’évoluer et de s’adapter, manque de souplesse, vieillissement).
    scorie : Je suis étonné que l’on ait attribué un prix à ce roman qui est, en fait, encombré de scories (déchet, sous-produit, partie médiocre ou mauvaise).
    sectaire : Son attitude sectaire témoigne de son intolérance (qui refuse toutes les idées différentes des siennes).
    séculaire : Chaque année, le village, attaché à ses coutumes séculaires, est en fête (qui existe depuis un ou plusieurs siècles).
    sécularisation : Le fait que le prêtre porte un habit proche de celui des autres hommes est un indice de sécularisation (passage à l’état laïque, non religieux).
    sédentaire (adjectif et nom) : Il ne t’accompagnera pas en voyage, car c’est un sédentaire (qui ne se déplace pas, qui reste attaché à son lieu d'habitation).
    sédition : Je fus frappé pas la violence de la sédition (soulèvement, révolte contre l’autorité).
    ségrégation : Je fus toujours scandalisé par la ségrégation entre les blancs et les populations de couleur (séparation méthodique des personnes sur base de leurs différences).
    sempiternel : Tes plaintes sempiternelles commencent à m’agacer (qui se répète indéfiniment).
    séquence :
    1) Le premier parcours que nous avons étudié en classe comprend plusieurs séquences (suite ordonnée d’éléments).
    2) au cinéma : Un plan-séquence est une séquence assez longue constituée d’un seul plan, filmé en continu par la caméra (suite de plans dont l’ensemble constitue une scène ayant son unité).
    sertir : Cette dissertation est sertie de brillantes citations (enchâsser une pierre précieuse dans une monture ; insérer).
    servile : Son obéissance servile témoigne de son manque de personnalité (qui manifeste une soumission excessive).
    servitude : Le peuple est réduit à une servitude scandaleuse (état de dépendance extrême, soumission ; contrainte).
    sexisme : Imaginer que toutes les femmes sont plus superficielles que les hommes, c’est faire preuve d’un sexisme incroyable (discrimination basée sur le sexe).
    sibyllin : Je ne comprends guère ses propos sibyllins (mystérieux, énigmatique, hermétique).
    sidérer : Je suis sidéré par l’annonce du décès de ce jeune homme (frapper de stupeur, abasourdir).
    sied à (du verbe « seoir ») : Vous êtes superbe, car cette robe sied parfaitement à votre silhouette (convient à).
    simulacre : Ce procès m’a scandalisé, car il n’était qu’un simulacre (manifestation qui n’a que l’apparence de la réalité qu’elle voudrait être, apparence trompeuse, faux-semblant).
    sine qua non : Mon départ de la présidence ne sera possible qu’à la condition sine qua non que vous retiriez vos chars (indispensable).
    sinécure : Il croyait que la profession d’enseignant était une sinécure (situation confortable et sans souci ; emploi bien payé et peu exigeant) !
    solde (être à la — de : nom féminin) : Il est à la solde d’un individu peu scrupuleux qui le manipule (être payé ou acheté par quelqu’un pour accomplir de basses besognes).
    solde (non masculin) : Tu devras me régler bientôt le solde de ta facture (reliquat d’un compte).
    solliciter :
    1) Il est parfois difficile de résiter aux publicités qui nous sollicitent sans cesse (inciter, stimuler, pousser à).
    2) J’ai malheureusement oublié de te solliciter au sujet de la décision que nous avons dû prendre (faire appel à quelqu’un).
    sollicitude : Ne crains rien, car il veillera sur toi avec sollicitude (attitude attentive et affectueuse envers une personne).
    sommaire (adjectif et nom) : Ses connaissances sommaires ne l’aideront pas à réussir (qui est brièvement résumé ; qui est réduit à sa forme la plus simple ; résumé, table des matières).
    sommer : Je vous somme de me répondre sans délai, si vous ne désirez pas avoir de problèmes (ordonner avec vigueur).
    sonder : Un tiers des personnes sondées se déclare favorable à la suppression des repas chauds (chercher à connaître les intentions ou les opinions de).
    sophisme : Les sophismes sont généralement destinés à tromper le public (raisonnement apparemment logique, mais qui est faux).
    sophistiqué : Ton style manque de simplicité, car il est trop sophistiqué (alambiqué, compliqué, recherché ; artificiel, affecté).
    soporifique : Cet exposé soporifique m’a profondément déçu (ennuyeux, qui plonge dans le sommeil).
    souffrir : La règle concernant l’interdiction de fumer dans ce restaurant ne souffre aucune exception (supporter, tolérer, admettre).
    spartiate : Nous étions tous étonnés, car il menait une vie spartiate (sévère et rigoureux comme les coutumes de Sparte).
    spécieux :Ton raisonnement spécieux ne risque pas d’être entendu (fallacieux, trompeur).
    spectre : Il est incroyable de constater que le spectre de la famine soit toujours présent à notre époque (idée effrayante, réalité menaçante).
    spéculation :
    1) Tu ne dois pas trop te fier à ces spéculations qui ne sont basées sur aucune donnée réelle (étude abstraite, recherche théorique)
    2) Ce terrain a fait l’objet d’une spéculation immobilière (opération qui consiste à acheter puis revendre pour faire des bénéfices).
    spolier : Un notaire véreux a spolié mon cousin de sa part d’héritage (dépouiller quelqu’un d’un bien qui lui revient).
    sporadique : Ce ne sont que des grèves sporadiques (qui existe çà et là ; qui se produit de temps à autre, irrégulier).
    standardisation : La standardisation des pictogrammes a favorisé leur utilisation massive (reproduction d’un modèle type ; uniformisation des modes de vie et de pensée).
    statut :
    1) Il pourra rester dans notre pays, car il a un statut de réfugié politique (ensemble de lois qui fixent les droits d’une personne).
    2) Le statut de l’enfant devrait être revalorisé lorsque l’on observe la façon dont il est parfois exploité dans certains pays (situation de fait d’une personne ou d’une catégorie).
    stigmatiser : L’auteur a stigmatisé la publicité qui crée des besoins artificiels (condamner, blâmer).
    stipuler : Les consignes de l’examen stipulent, entre autre choses, que vous pouvez utiliser le vérificateur orthographique (spécifier ; énoncer une condition précise dans un contrat).
    stoïcisme :
    1) La devise du stoïcisme est « supporte et abstiens-toi »(philosophie grecque de Zénon —340-263 avant J.-C. — selon laquelle le bonheur est dans la vertu et qui professe le détachement par rapport aux désirs et aux douleurs).
    2) On peut le féliciter, car il a fait preuve de stoïcisme (courage devant le mal et les malheurs).
    structuralisme : Le structuralisme en littérature considère que chaque oeuvre est composée de diverses parties qui ont des liens entre elles (théorie considérant que l’objet d’étude de chaque science humaine est une structure c’est-à-dire un ensemble ou un système composé de différentes réalités ayant des rapports entre elles).
    styliser : Le sculpteur a stylisé le modèle qu’il avait devant lui (représenter la réalité de façon simplifiée).
    subalterne : Il était déçu, car il avait un rôle subalterne dans le spectacle (secondaire, hiérarchiquement inférieur).
    subconscient : L’inconscient, à la différence du subconscient, est inaccessible à la conscience (zone psychique à laquelle on peut accéder par un effort d’introspection).
    subjectif : Nous savons tous que les goûts sont subjectifs (personnel, qui varie selon les individus).
    subjuguer : L’orateur a subjugué le public avec un sujet passionnant (charmer, envoûter).
    sublimation : Les conduites humanitaires sont des formes de sublimation (transformation de certaines pulsions en aspirations à des valeurs morales ou sociales).
    subodorer : Je subodore, à travers cette attitude soi-disant généreuse, une perfide manœuvre (deviner, pressentir).
    subordination : C’était un fonctionnaire tellement orgueilleux qu’il ne supportait pas son état de subordination à l’égard de son supérieur (le fait d’être soumis à l’autorité de quelqu’un).
    subrepticement : Certains n’ont pas apprécié qu’il ait agi subrepticement (par surprise, d’une manière dissimulée).
    subsidiaire : Les organisateurs de concours ajoutent souvent une question subsidiaire afin d’être assurés de ne pas avoir trop de gagnants (complémentaire) !
    substitut : Ce produit n’ est pas très bon, car il n’est qu’un substitut du champagne (produit de remplacement).
    substrat : La notion d’altérité est pour certains philosophes le substrat de leur idéologie (fondement, base).
    subversif : Un discours subversif (qui est de nature à renverser l'ordre établi, qui est susceptible de menacer les valeurs reçues).
    succédané : Ces romans-photos ne sont que de vulgaires succédanés de films (produit de remplacement, au sens péjoratif).
    succinct : Je vous demande une description succincte des faits plutôt qu’un long discours (bref, concis).
    suggestif :
    1) Sa mimique suggestive m’a fait comprendre son dégoût pour certains films trop commerciaux (qui suggère parfaitement ce qu’il évoque).
    2) Sa tenue suggestive ne plaisait guère à sa mère (qui suggère des idées ou des représentations érotiques).
    sujétion : Ce dictateur maintenait son peuple dans la sujétion (état de soumission ou de contrainte).
    summum : Il peut être heureux, car il est au summum de la gloire (sommet).
    superfétatoire : Il est préférable que tu te taises, car tes précisions sont superfétatoires (superflu, inutile).
    superstructure :
    1) La superstructure d’un bâtiment me semble assez bien conçue (partie supérieure d’une construction, située au-dessus du niveau du sol).
    2) Sens philosophique (dans le vocabulaire marxiste) : Pour les marxistes, la superstructure est produite par la réalité économique (ensemble des institutions — politiques, juridiques et culturelles — et des idéologies — doctrines philosphiques, religions, culture dominante — qui sont déterminées par les structures économiques et les rapports de production (c’est-à-dire l’infrastructure).
    supplanter : Il a utilisé une manoeuvre habile, destinée à supplanter les concurrents (prendre la place de, remplacer).
    supputer : Supputer le coût de ce spectacle est une démarche essentielle avant de commencer les répétitions (évaluer).
    suranné : Ses robes surannées ne la mettent pas en valeur (démodé, archaïque).
    surenchère : Les politiciens aiment faire de la surenchère en période électorale (proposition ou promesse qui dépasse largement celles des concurrents, fait d’aller encore plus loin en actions ou en paroles).
    surmoi : Le Surmoi censure les pulsions qui nous semblent néfastes et convertit les autres en aspirations légitimes, par sublimation (en psychanalyse, ensemble des interdits moraux qui règnent sur l’individu).
    sustenter (se) : N’oubliez pas de vous sustenter avant de partir à l’école (se nourrir).
    symbiose : Il était touchant d’ observer les membres de cette famille qui vivaient en symbiose (étroite union entre personnes, entre groupes).
    symptomatique : Son caractère me semblait symptomatique, car il pensait déjà à ses vacances alors qu’il venait d’être engagé (révélateur).
    synergie : Si nous voulons que les choses progressent, il faudra créer une synergie des moyens politiques et économiques (action coordonnée de plusieurs éléments).
    synopsis : Le synopsis du projet nous permet de voir plus clair (bref résumé au cinéma, vue d’ensemble).

    T

    tacite : Cet accord tacite ne sera pas suffisant (implicite, sous-entendu).
    taciturne : C’est un personnage taciturne, mais d’une remarquable intelligence (qui parle peu, sombre, morose).
    tangible : Voici enfin un résultat tangible (évident, bien réel).
    tare : Sa gourmandise est une vraie tare (défaut héréditaire, imperfection grave).
    targuer (se) : Il se targue d’écrire un roman en trois jours (se vanter).
    taxinomie : Je suis sans voix face à l’obsession taxinomique de ce botaniste (science de la classification)
    tempérance : La tempérance vous interdit de consommer des boissons alcoolisées si vous conduisez (modération).
    temporiser : Au lieu de prendre une décision ferme, il temporise (retarder une décision).
    tendancieux : Votre version des événements me semble tendancieuse (qui tente d'influencer le destinataire dans le sens des idées ou du parti pris de l’auteur ).
    ténu : Je regrette de devoir vous dire que vos chances de réussite sont ténues (très mince).
    tergiverser : Ne sachant quel projet accepter, il tergiverse (hésiter, prendre des détours pour masquer son indécision).
    terroir : Les coutumes du terroir devraient être préservées (région rurale).
    théocratie : Certains pays musulmans appliquent la théocratie (système politique dans lequel le pouvoir est exercé par des chefs religieux ou par un souverain dont l’autorité se présente comme émanant directement de Dieu).
    théologie : Rares sont les étudiants qui entament des études de théologie (ensemble des études centrées sur Dieu, les textes sacrés, les dogmes et les traditions religieuses ; conception élaborée par tel ou tel théologien).
    thérapeute : Le médecin est un thérapeute (personne qui soigne les malades).
    thérapeutique : La thérapeutique est parfois encore impuissante face au cancer (science qui étudie les remèdes).
    thérapie : Tous les six mois, ce malade suit courageusement une thérapie (ensemble de soins, traitement médical).
    thésauriser : Il ne dépense rien : il thésaurise (amasser de l’argent sans le placer ou le faire circuler).
    timoré : Son comportement timoré ne l’aidera pas à rencontrer les autres (excessivement craintif).
    titanesque : Son travail titanesque fut admiré (gigantesque, colossal).
    toiser : La manière dont il toisa son adversaire m’écoeura (regarder avec mépris).
    tollé : Cette décision prise sans consultation du personnel a provoqué un tollé (protestation collective).
    totalitaire :
    1) De nombreux pays communistes étaient totalitaires (se dit d’un régime politique qui prétend organiser et gouverner la totalité de la vie des citoyens).
    2) Une pensée totalitaire est souvent à l’origine d’un régime totalitaire (se dit d’une philosophie, d’une religion, d’une doctrine politique qui croit détenir la clef idéale de la vie de l’homme en société).
    totalitarisme : La peur de l’opposition a renforcé le totalitarisme de certaines dictatures (caractère d’un régime qui prétend gouverner la totalité de la vie des citoyens ; caractère d’une philosophie ou d’une idéologie qui prétend produire une société qui fera le bien total de l’homme).
    tragique : Nos journaux télévisés sont truffés d’événements tragiques (qui présente un carctère effroyable, douloureux).
    trame : La trame de ce roman de pacotille me semblait bien mince (enchevêtrement de faits réels ou d’événements fictifs qui constituent le fond d’un récit).
    transcendance : La transcendance de certaines vérités (supériorité d’une réalité sur une autre).
    transcendant : Son esprit transcendant émerveilla le jury (supérieur aux autres ou aux réalités du monde).
    transfert : Le patient a vécu un transfert, car il a reporté sur son psychanalyste son affection paternelle (en psychanalyse, déplacement de sentiments inconscients du sujet vers son analyste).
    transfiguration : Je subis une véritable transfiguration, car son influence fut prépondérante dans ma vie (transformer en améliorant ou en donnant une beauté et un éclat inhabituels).
    transfuge : C’est un transfuge du parti socialiste qui a rejoint le parti des verts (personne qui abandonne un groupe, un mouvement, une doctrine pour se rallier à un autre).
    transgresser : Rimbaud avait un esprit révolutionnaire, car il aimait transgresser les interdits (enfreindre, désobéir à).
    transiger :
    1) Je n’aurais pas dû transiger avec cet escroc (conclure un arrangement).
    2) transiger sur (quelque chose) : J’ai eu tort de transiger sur ce point du règlement qui me semblait pourtant capital (ne pas se montrer ferme, concéder ou laisser faire par faiblesse).
    transition : Je fus étonné, car, sans transition, il aborda un autre sujet (passage progressif d'une idée à une autre).
    transmutation : La transmutation du plomb en or est le rêve des alchimistes (changement de nature, transformation totale ; changement d’une matière en une autre).
    transport (le plus souvent au pluriel) : Des transports de joie traversaient mon coeur, car il avait enfin réussi son projet (vive émotion, bouleversement de l’âme).
    transposer :Transposer un roman au cinéma demande du savoir-faire (déplacer dans un autre domaine).
    traumatisme : On dit souvent que les soldats, ayant participé à une guerre violente, ont subi un véritable traumatisme (ensemble des troubles psychiques conscients et inconscients qui résultent d’un événement brutal de la vie affective du sujet ; ensemble des troubles qui résultent d’un choc).
    trépidation : Les trépidations de la vie moderne provoquent un certain stress (agitation ; tremblement).
    tribun : Ce politicien est un redoutable tribun capable de manipuler les foules (orateur éloquent qui défend une cause ou une idée).
    tributaire : Je ne peux faire ce que je désire, car je suis tributaire de mon employeur (étroitement dépendant).
    triptyque : Cette peinture est très impressionnante, car c’est un triptyque (oeuvre en trois parties).
    trivial : Il n’apprécie guère le langage trivial (grossier, vulgaire).
    tronquer : Je ne supporte pas que mon manuscrit ait été tronqué (ôter une partie essentielle d'un ouvrage).
    trophée : Le trophée du concours est convoité, car c’est une médaille en or (objet qui témoigne d'une victoire).
    truculent : Les personnages de cette comédie sont assez truculents, car ils n’hésitent pas à s’exprimer en toute liberté (qui exprime les choses avec crudité, pittoresque et réalisme).
    truffer : Tu dois relire ta dissertation, car elle est truffée de fautes de style (remplir d’une façon excessive).
    truisme : Ton exposé me semble peu original, car il est rempli de truismes (vérité si évidente, si banale, qu’il vaut mieux s’abstenir de la formuler).
    tutélaire : L’ amitié tutélaire que nous avons vécue m’a profondément marqué (qui protège).
    ultérieur : Les événements ultérieurs confirmèrent mes inquiétudes (futur).
    ultimatum : Avant d’être attaqué, l’Irak reçut plusieurs ultimatums des États-Unis (condition impérative qui est imposée).
    ultime : Ses paroles ultimes furent bouleversantes (dernier).

    U

    unicité : On peut parler de l’unicité de cette expérience qu’il m’est difficile de vous transmettre (caractère de ce qui est unique).
    unilatéral :
    1) Je n’apprécie pas toujours les contrats unilatéraux (qui n’engage qu’une seule partie).
    2) Cette décision unilatérale de rompre l’accord est inadmissible (décidé par une seule partie).
    us (les — et coutumes) : Il faut accepter que les us et coutumes diffèrent selon les pays (usages, habitudes).
    usage (valeur d’) : La valeur d’usage d’un bien est différente de sa valeur d’échange (utilité effective d’un bien).
    usufruit : Je te rappelle que cette maison ne t’appartient pas, car tu n’en as que l’usufruit (droit de jouir d’un bien dont on n’est pas propriétaire).
    usurpation : Il n’admet pas, à juste titre, l’ usurpation de ses droits (appropriation illégitime).
    utopie : Tu ne sera pas suivi, car ton programme politique relève de l’utopie (projet irréalisable).

    V

    vacuité : La vacuité de cette œuvre littéraire me désole (vide, nullité).
    vade mecum : Heureusement que j’avais emporté mon vade mecum du secouriste (petit manuel, guide).
    vaillance : La vaillance de ce héros m’a heureusement surpris (bravoure, courage).
    valide :
    1) Malgré son âge, cet homme est toujours valide (sain).
    2) Je regrette de devoir vous signaler que votre photo n’est plus valide (valable).
    validité : La validité de ce passeport ancien me semble douteuse (caractère de ce qui est valable).
    vaticiner : Il vaticine, car il tient des discours extravagants sur l’an 3000 (prophétiser de façon délirante).
    véhémence : Son discours plein de véhémence était impressionnant (fougue, impétuosité).
    velléitaire : Il est difficile de dialoguer avec des personnes velléitaires (hésitant, qui n’arrive pas à se décider à agir).
    vélocité : J’apprécie le fait qu’il ait agi avec vélocité (grande rapidité).
    vénal :
    1) Pour les choses : La valeur affective d’un objet me semble plus important que sa valeur affective (qui s’échange, s’achète ou se vend contre de l’argent).
    2) Pour les personnes : C’est une femme vénale ( qui se laisse acheter, qui se vend au plus offrant, qui fait le commerce de ses charmes).
    vénérer : Je vénère ce professeur qui m’a appris tellement de choses (adorer ; aimer et admirer, avec un grand respect).
    véniel : Ce n’est qu’un défaut véniel (sans gravité, excusable).
    véracité : La véracité de ce témoignage est encore à prouver (qualité de ce qui est conforme à la vérité ; qualité d’une personne qui dit la vérité).
    verbal : Méfie-toi, car ce n’est qu’une promesse verbale (qui est dit de vive voix).
    verbeux : Cet orateur verbeux me fatigue (qui dit les choses en trop de mots, prolixe, bavard).
    verbiage : Le verbiage de cette dissertation masque l’absence totale d’idées intéressantes (abus de paroles ou de mots inutiles).
    vergogne : Il est incroyable qu’il puisse mentir sans vergogne (honte).
    versatile : Vivre avec une personne versatile me semble impossible (qui change facilement d'opinion ou d’attitude) !
    verve : La verve d'un orateur étonna l’assemblée (brillante capacité verbale).
    vétéran : Tu ne dois pas avoir de crainte, car c’est un vétéran (homme d’expérience qui a fait ses preuves)
    veto : Aux Nations-Unies, certains pays ont un droit de veto (opposition formelle).
    vétuste : Cet escalier vétuste me semble très dangereux (qui est vieux, n’est plus en bon état).
    veule : C’est un personnage veule et lâche que je ne désire plus rencontrer (qui est sans volonté, faible).
    via : Tu peux atteindre Londres via le tunnel sous la Manche (en passant par).
    viatique : Lire est un viatique pour certaines personnes (soutien moral).
    vicissitudes : Les vicissitudes de l’existence (changements heureux ou malheureux, succession d’événements positifs ou négatifs).
    vilipender : Les personnes plus âgées vilipendent parfois les mœurs de notre époque (dénoncer).
    vindicatif : Son caractère vindicatif lui attire des inimitiés (rancunier).
    virtuel : Ce projet est malheureusement resté à l’état virtuel (qui n’existe qu’en puissance, possible, potentiel).
    virulent : Il ne méritait pas cette critique virulente à son égard (violent).
    visionnaire : Jules Verne était un écrivain visionnaire (qui a des vues sur l’avenir ; illuminé).
    vitupérer : Je vitupère contre le gouvernement qui ne prend pas ses responsabilités en matière d’énergie (protester avec véhémence).
    vociférer : Ce n’est pas en vociférant contre le gouvernement qu’il arrivera à résoudre les problèmes (parler d’une voix forte et coléreuse, hurler contre quelqu'un).
    volage : Il ne savait pas que c’était une femme volage (qui change souvent de sentiment, inconstant en amour).
    volontarisme : Tu devrais avoir une attitude volontariste plutôt que de laisser aller les choses (attitude basée sur la volonté).
    volubile : Cet orateur volubile était assez fatigant (qui parle beaucoup, avec rapidité).
    volupté : J’écoute cette musique avec volupté (intense plaisir des sens et notamment jouissance sexuelle ; plaisir moral ou eshétique très vif).
    vulgaire : J’évitai rapidement ce personnage vulgaire (grossier, mal élevé, sans distinction).
    vulgarisation : L’Encyclopédie Encarta est davantage un ouvrage de vulgarisation que l’Encyclopédie Universalis (fait d’adapter un ensemble de connaissances de manière à les rendre accessibles au grand public).

    X

    xénophobie : La xénophobie crée des tensions dans certains pays (hostilité à l’égard des étrangers).

    Z

    zélateur : Un zélateur se manifeste parfois par des interventions intempestives (partisan actif d’une cause).


    Illustration : Emilio Danero